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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 18:34

Cercle des Chamailleurs

Mardi 25 janvier 2011

 

Principe de précaution : qu’en est-il aujourd’hui ?

 

Présentation par Michel :

Sources diverses : internet, blogs, articles de journaux (Le Monde, La Croix,…) et livre de Philippe Kourilsky « Du bon usage du principe de précaution » (Editions Odile Jacob, 2002).

 

Rappel historique

Historiquement, c’est au début des années soixante-dix, à l’occasion de la critique du modèle technico-économique, en Allemagne et aux Etats-Unis, que le Principe de précaution fut inscrit - sous l’appellation de Vorsorgeprinzip - dans le droit positif de l’environnement allemand avec la loi de 1974 sur les pluies acides. C’est avec la Convention de Vienne de 1985 pour la protection de la couche d’ozone et le rapport Brundtland sur le développement durable de 1987, que ce Principe est devenu le pilier du droit international de l’environnement. On commença aussi à s’y référer à lui de façon explicite avec la déclaration ministérielle de la IIe Conférence internationale sur la protection de la mer du Nord de 1987.

Par la suite, il fut un Principe régulièrement repris dans de nombreux textes internationaux comme par exemple la Déclaration du sommet de Rio sur l’environnement et le développement, de juin 1992, au terme du "Sommet de la Terre", organisé par les Nations unies. Ce Sommet fut la matérialisation du premier engagement de la communauté internationale dans la prévention du risque climatique planétaire.

Depuis lors, une dizaine de grands textes internationaux y font référence et l’Union européenne l’a même fait entrer dans le droit communautaire avec le Traité sur l’Union européenne de 1992 et la rédaction de l’article 130 R sur la politique communautaire de l’environnement. La France quant à elle n’a reconnu ce Principe qu’assez tardivement avec la loi du 2 Février 1995 (Loi Barnier) sur le renforcement de la protection de l’environnement.

En février 2005, le Parlement réuni en Congrès a inscrit dans la Constitution la Charte de l'environnement, installant par là même le principe de précaution (art. 5) au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes juridiques :

« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

Depuis, il a débordé les questions qui touchent à l’environnement pour englober les problèmes relatifs à l’alimentation et à la santé.

 

Un éventail de définitions

Il n’existe pas une définition universellement admise du « Principe de précaution » mais un éventail de définitions, l’idée principale étant que "Des mesures doivent être prises lorsqu’il existe des raisons suffisantes de croire qu’une activité ou un produit risque de causer des dommages graves et irréversibles à la santé ou à l’environnement. Ces mesures peuvent consister à réduire ou à mettre un terme à cette activité ou encore à interdire ce produit, même si la preuve formelle d’un lien de cause à effet entre cette activité ou ce produit et les conséquences redoutées n’a pu être établie de manière irréfutable."

Le droit positif français le définit prudemment mais formellement avec la loi Barnier de 1995 comme étant le Principe selon lequel "l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement, à un coût économiquement acceptable".

Même si les définitions diffèrent d’un texte à un autre et d’une langue à l’autre, l’élément commun qu’il convient de retenir à ce niveau comme une définition acceptable est le Principe de la Déclaration de Rio : "devant certains risques particulièrement graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique sur leur étendue ou leur réalisation ne doit pas conduire à l’inaction mais légitime des mesures -même drastiques- de prévention".

 

Précaution et prévention

 

Y a-t-il une différence entre ces deux notions ?

Les deux principes s’inscrivent en fait dans une démarche de prévention.

La différence pourrait être de degré : le principe de précaution impose l’adoption de mesures de prévention du risque plus en amont, avant que des preuves scientifiques de l’existence de ce risque n’aient été apportées.

Pour simplifier:

Principe de prévention: les risques sont connus

Principe de précaution: les risques ne sont pas encore avérés

Il existe cependant un certain nombre de confusions concernant ces 2 notions.

 La première des confusions entre précaution et prévention vient du fait que le terme “précaution” est devenu à la mode. On l’utilise dans le langage courant pour signifier que l’on est prudent et agit précautionneusement. Ce qui n’est pas la même chose que le sens juridique donné au principe de précaution », estime Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement et maître de conférence à Sciences-Po.

Deuxième source de confusion : « Il n’y a pas de frontière nette mais un continuum entre la précaution et la prévention, c’est l’incertitude sur le risque qui fait qu’un problème relève de la précaution. Dès lors que le risque est avéré, il entre dans le registre de la prévention. », explique Jean Salençon, président de l’Académie des sciences.

La précaution a été inventée pour gérer le risque en amont, dès lors qu’un faisceau d’indices fait émerger un risque plausible (et non pas une peur) aux conséquences potentiellement graves, sans encore disposer des preuves scientifiques formelles.

Parfait exemple de ce continuum précaution-prévention, le cas de l’amiante. « On aurait pu agir au nom du principe de précaution dès 1910 au moment où commencent à être évoqués les risques liés à son usage. À partir des années 1960, le lien de cause à effet étant établi entre l’exposition aux fibres et la survenue de cancers et pathologies respiratoires, on en sait assez sur le risque pour prendre des mesures de prévention », explique Denis Bard, épidémiologiste à l’école des hautes études en santé publique et vice-président du Comité de la prévention et de la précaution (CPP), instance de conseil du ministère de l’écologie.

Selon cette grille de lecture, les trois derniers événements débattus, virus H1N1, tempête Xynthia ou cendres du volcan Eyjafjöll, ne relèvent pas du principe de précaution mais de la prévention. Le risque d’inondation en zone inondable et ses conséquences sont connus, tout comme le fait que les cendres volcaniques soient à même d’endommager des réacteurs d’avion.

Quant au virus H1N1, Alain Grimfeld, médecin, président du comité d’éthique et du CPP, expliquait devant les parlementaires le 1er octobre dernier, lors d’une audition sur le principe de précaution : « La cause est connue, elle est virale ; la prévention est vaccinale. Le risque concernant la prévention va dépendre du pouvoir pandémique du virus (…), on entend beaucoup parler du principe de précaution dans l’application du vaccin, ce qui est un non-sens. »

Rien à voir avec la gestion dite de la crise de la vache folle. « Le prion était un véritable ovni scientifique, rappelle Olivier Godard. Qu’une protéine puisse être un agent infectieux dépassait l’entendement. Cette énigme scientifique fut à l’origine d’un immense champ de recherche.

 

Limites et critiques du principe de précaution

Selon certains auteurs, le principe de précaution mal utilisé peut conduire à des blocages inutiles, qui peuvent retarder les pays qui l'appliquent dans la voie du progrès technique. Dans les prêcheurs de l'apocalypse, Jean de Kervasdoué déclare ainsi :

« Être prudent, analyser les risques pour tenter de les éviter, constituent de sages conseils ; mais d'avoir fait de la précaution un principe est un drame : il ne s'agit plus de tenter d'analyser des évolutions vraisemblables, compte tenu des informations disponibles, mais d'imaginer l'irréel, l'impensable, sous prétexte que les dommages causés pourraient être importants. »

Cécile Philippe de l'Institut économique Molinari regrette pour sa part qu'avec le principe de précaution on ne considère que les risques en cas d'application du progrès et que l'« on ignore les coûts à ne pas appliquer le progrès »[19]. Elle est suivie en cela par Mathieu Laine qui y ajoute le risque qu'il y a selon lui à voir le principe de précaution décourager le progrès scientifique et donc priver la société de ses bienfaits futurs. Laine écrit ainsi dans La Grande nurserie : « L'histoire de l'humanité a depuis toujours été guidée par cette logique de l'essai, de la tentative et de l'erreur sans cesse corrigée pour parvenir à la vérité. Le principe de précaution annihile cette dynamique et paralyse le progrès. »[20]

Illustration des possibles effets pervers du principe de précaution, le nombre d'autorisations de mise sur le marché de nouveaux médicaments par la Food and Drug Administration a été divisé par deux entre 1998 et 2007, passant de 39 à 19. Cette baisse est due selon Philippe Guy, directeur associé au Boston Consulting Group, à la plus grande aversion au risque de la FDA, qui fait jouer le principe de précaution même quand les risques sont considérés comme faibles. Claude Le Pen, professeur d'économie de la santé, le confirme et déclare que « certains de ses dossiers seraient passés sans aucun problème il y a dix ou vingt ans ». Résultat, en raison de ces refus les coûts de lancement d'un nouveau médicament ont triplé depuis 1990 (900 millions de dollars contre 300), ce qui réduit l'incitation à la recherche de nouveaux traitements[21].

 

 

Le principe de précaution, principe d’action ou d’inaction ?

Dans les textes, le principe de précaution est clairement un principe dynamique qui impose de faire progresser la connaissance, comme ce fut le cas sur le prion, et de prendre des mesures provisoires, révisables. « Les juges ont défini ses contours, par petites touches, en quinze ans de jurisprudence, émanant notamment de la Cour de justice des communautés européennes. Il se dessine ainsi un vade-mecum, un guide à l’usage des administrations », explique Christine Noiville, juriste et directrice du Centre de recherche en droit des sciences et des technologies (CNRS-université Paris 1).

« Les juges ont bien confirmé qu’il n’était pas un principe anti-science, qu’il réclamait au contraire d’adopter une démarche scientifique, de développer la recherche et l’expertise pour évaluer le risque et accompagner toute décision ; le principe ne conduit pas à vouloir s’affranchir du moindre risque et à rechercher le “risque zéro” », poursuit la juriste.

Est-il pour autant utilisé à bon escient ? « Les pouvoirs publics s’affolent en matière de gestion du risque. Le traumatisme de l’affaire du sang contaminé est tel qu’il conditionne les comportements. La question est de savoir si les politiques ne sont pas trop prudents », estime Arnaud Gossement. La peur de la condamnation est pourtant mauvaise conseillère.

« La condamnation pour mise en danger d’autrui suppose que le danger soit avéré et immédiat, c’est l’inverse même du principe de précaution », justifie Olivier Godard. « Pour l’amiante ou le sang contaminé, la responsabilité de l’État est retenue uniquement à partir du moment où les risques sont parfaitement connus, il n’y a pas de condamnation pour les périodes plus anciennes », confirme Christine Noiville.

« Le principe est brandi comme un parapluie, ou comme un joker, sur le thème “en matière de sécurité on n’en fait jamais trop” », regrette Olivier Godard. Pour ajouter à la confusion, une mouvance maximaliste cherche à inverser la charge de la preuve, le principe viserait ainsi à apporter la preuve de l’innocuité et de l’absence de risque avant d’agir.

Le principe de précaution est-il dévoyé ?

Pensé pour l’environnement, le principe s’est étendu aux enjeux de sécurité sanitaire, à tel point que ces derniers sont devenus prépondérants. « Pourquoi personne n’a fait valoir le principe de précaution pour la taxe carbone ?, interroge Olivier Godard. Les incertitudes sur l’impact des changements climatiques, potentiellement graves et irréversibles, devraient inciter à agir par l’adoption de mesures proportionnées : la taxe en était une », justifie-t-il.

Mais dans la liste des ratés du principe, les derniers jugements imposant le démontage d’antennes-relais de téléphonie mobile font la quasi-unanimité : la mesure paraît disproportionnée. Ainsi la cour d’appel de Versailles a, dans son arrêt du 4 février 2009, justifié sa décision en évoquant le « trouble anormal de voisinage » et la « crainte légitime » liée à l’impossibilité de « garantir une absence de risque sanitaire ».

« Le raisonnement selon lequel l’incertitude génère le risque qui crée le danger est en totale contradiction avec quinze ans de jurisprudence. Cela sème le trouble dans les esprits, ravive les vieilles querelles sur un principe prétendument anti-science et ramène le principe de précaution à l’âge de pierre alors que l’on croyait être parvenu à maturité », s’attriste Christine Noiville. La décision de la Cour de cassation est attendue avec impatience.

 

Cas des OGM

Les OGM illustrent bien la polémique entre les partisans et les opposants du principe de précaution. Cela ressort très bien dans l’interview donnée par Marie Monique Robin, réalisatrice du film « Le monde selon Monsanto » :

« La polémique, cyclique, est repartie. Faut-il ou ne faut-il pas cultiver des OGM ? Cette fois c’est plus qu’une polémique, c’est une véritable guerre entre scientifiques. Tout est parti d’un avis de l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) qui a estimé… que le maïs génétiquement modifié MON 810 ne posait pas de problème de santé particulier, contrairement au Pr Yvon Le Maho qui, dans un rapport commandé par le gouvernement, avait conclu à la nécessité d'appliquer le principe de précaution.

Principe de précaution ou ...de régression

C’est d’ailleurs ce principe de précaution, trop rapidement introduit dans la constitution par Jacques Chirac, qui, à cette occasion mériterait d’être à nouveau discuté, certains n’hésitant pas à le qualifier de « principe de régression ». Si le principe de précaution avait existé lorsqu’a été pratiqué pour la première fois la stérilisation des aliments avec radiations ionisantes, on l’aurait interdit. Comme on vient d’interdire des antennes de radiotéléphone, alors qu’il n’est pas prouvé qu’elles aient des effets nocifs. Mais au-delà de la non-dangerosité des ondes, c’est toute la recherche et l’industrie qui risque un grave retour de bâton : que va-t-on nous annoncer demain ? Que les autoroutes doivent être démontées parce que le bruit de la circulation perturbe l’oreille interne des voisins ? Que le Wifi doit être interdit parce qu’il est aussi constitué d’ondes ? Que les plaques de cuisson doivent toutes devenir électriques parce que le gaz peut exploser ?

OGM: effets sur l'environnement, sur l'homme et ...

Le problème des OGM peut être divisé en trois, le plus important n’étant peut-être pas celui le plus mis en avant. Les conséquences des OGM sur l’environnement, sur l’homme (Voir les excellentes explications sur le Blog de Guillaume Malaurie et son interview de Christian Vélot qui vient de publier aux Editions Goutte de Sable « Ogm, tout s’explique » )
et, last but not least, les effets néfastes des systèmes du type Monsanto qui, en industrialisant les semences, créent une dépendance systématique des agriculteurs vis-à-vis du semencier. Or, leader mondial des OGM, Monsanto est à l'origine de bien d'autres produits controversés, depuis sa création en 1901.

Le procès de Monsanto

La liste est longue. La firme est le principal producteur de PCB (le pyralène, polluant organique persistant aujourd'hui interdit et responsable de nombreuses pollutions), de l’agent orange, herbicide utilisé pendant la guerre du Vietnam et fortement cancérigène, et d'hormones de croissance bovine et laitière interdites en Europe. Or, c’est ce lobby des semenciers, et en premier lieu, Monsanto, qui est à l’origine des pressions visant à réautoriser le MON 810, ce que le gouvernement s’est refusé à faire. Le problème, c’est celui de ces instances soi-disant indépendantes qui, comme l'Afssa, ne le sont pas. Pour Pierre-Henri Gouyon, scientifique du CNRS et au Museum d'Histoire naturelle, ce type d'instance "n'assure pas leur rôle de prévention", car ils pensent « que l'essentiel est de faire tourner le commerce et d'autres qui pensent qu'il faudrait quand même mettre un minimum de précautions dans le système. L'Afssa est clairement dans la première option", alors que comme Yvon Le Maho, dont les rapports sont à l’origine du moratoire du MON 810 ; lui  soulève l'absence de connaissance des effets à long terme: « on regarde l'effet sur des rongeurs à 90 jours mais on ne regarde même pas ce que ça donne à la génération suivante. C'est scandaleux »

Autre exemple : « La commission Attali contre le principe de précaution constitutionnel » (dans un blog, le vendredi 12 octobre 2007)5 12 /10 /2007 23:18

« En plein Grenelle de l’environnement, il y en a qui osent encore avancer à contresens de l’histoire. Ainsi, une des mesures phares de la commission Attali pour libérer la croissance économique française, est-t-elle de revenir sur le principe de précaution, introduit par J. Chirac dans la constitution française, avec la « charte de l’environnement » adossée au texte suprême en 2005.

 

Le Figaro m’est tombé des mains ce matin, en lisant les pages saumon. C’est à une « quasi-unanimité », que les membres sont tombés d’accord pour demander à l’omniprésident de retirer ce principe écologique de la constitution. Aller chercher le point de croissance qui manque est à ce prix.

 

Pour libérer la croissance économique, pour que les entreprises fassent toujours plus d’affaires sans tenir compte des dommages à l’environnement, pour les sécuriser juridiquement quels que soient les dangers potentiels pour le biotope, il est urgent pour la commission Attali, de revenir sur l’article 5 de la charte de l’environnement. »

Il faut toutefois souligné que, le 25 octobre 2007, dans une intervention,  Nicolas Sarkozy a tenu à défendre le principe de précaution. Ainsi, le chef de l'Etat déclarait que "proposer sa suppression (du principe de précaution) au motif qu'il briderait l'action, repose à mes yeux sur une grande incompréhension.Le principe de précaution n'est pas un principe d'inaction, c'est un principe d'action et d'expertise pour réduire l'incertitude. Le principe de précaution n'est pas un principe d'interdiction, c'est un principe de vigilance et de transparence. Il doit être interprété comme un principe de responsabilité".

Autre acteur de la polémique : l’Académie nationale de médecine. (lettre du professeur Jacques-Louis Binet, secrétaire perpétuel parue dans Le Monde 4-5 juillet 2010)

« L’Académie…est préoccupée par le catastrophisme avec lequel on présente les innovations techniques (champs électomagnétiques par exemple) bien que les experts les aient jugées sans risque décelable. Le principe de précaution, associé au précautionisme, a induit une crainte de l’innovation et de la recherche qui pourrait avoir des conséquences graves pour l’avenir du pays. Non, l’Académie nationale de médecine n’est pas opposée au principe de précaution s’il est protégé contre les dérives irrationnelles. Cela implique de ne pas masquer la différence entre les risques scientifiques plausibles et ceux qui ne le sont pas…Le principe de précaution doit rester un principe d’action qui exige une démarche rigoureuse, notamment en renforçant les efforts de recherche quand il y a des incertitudes. L’abandon de la vaccination contre l’hépatite B dans les écoles contre l’avis des experts et en réponse à des soupçons non confirmés d’induction de sclérose en plaques, constitue un exemple de mesures de précaution irréfléchies qui deviennent irréversibles au lieu d’être provisoires et donc périodiquement reconsidérées. »

Avis du comité de la prévention et de la précaution (21 juin 2010) :

Dans un nouvel avis, le Comité propose un processus de formalisation de  l’élaboration de la décision publique dans ces situations, avec trois recommandations, à savoir, la décision en présence d’incertitude doit s’appuyer sur une évaluation des choix d’action existants non seulement sur les plans sanitaire et environnemental, mais aussi économique et social : le coût d’une mesure ne doit pas être hors de proportion avec l’ampleur des dommages redoutés ;  le processus de décision en contexte d’incertitude doit impliquer les parties prenantes  : cette intégration est une des conditions de l’acceptation sociale de la décision ; et enfin, qu’il est essentiel de s’appuyer sur une expertise scientifique plurielle.

« Cet avis intervient à un moment clé où des questions se posent, non pas tant sur le bien-fondé du principe de précaution, mais surtout sur ses conditions de mise en œuvre. Le travail du comité de la prévention et de la précaution réaffirme quelques principes : nécessité d’une analyse coûts-bénéfices des décisions, importance de l’association du public à la prise de décision, besoin d’une expertise pluraliste. Ce travail constitue une contribution très utile au débat engagé sur l’application du principe de précaution par l’Assemblée Nationale », explique à cet effet, Chantal JOUANNO, dans un communiqué de presse.

 

A propos des experts

Souvenons-nous du cas des "experts" du siècle dernier prédisant que l’homme ne pourrait dépasser la vitesse de 36 km/h et que pour cette raison, les chemins de fer n’avaient aucun avenir...

 

Autres pays :

Le principe de précaution est reconnu en Belgique, au Pays-Bas, en Allemagne et en Suède. [réf. incomplète] (Source : Le Monde, mercredi 18 mars 2009). En Allemagne, on considère que l'art. 20 de la Loi fondamentale y fait référence, sans toutefois l'énoncer de façon explicite (« assumant ainsi également sa responsabilité pour les générations futures, l'État protège les fondements naturels de la vie »). Au Brésil, l'art. 225 de la Constitution de 1988 y fait implicitement référence. A part la France, l'Allemagne et le Brésil, aucun Etat n'a donné à ce principe un rang constitutionnel.

 

Une étude de cas : le sang contaminé

La manière dont le problème fut pris en charge en France est révélatrice de toute une série de dysfonctionnements  du système de santé. Il y eut plusieurs types de contaminations qui touchèrent les homosexuels, les drogués, les transfusés et les hémophiles.

Les tests de diagnostic furent mis en place dès 1985 soit environ 2 ans après la découverte du virus. L’ampleur du drame fut variable selon des pays, la France détenant le sinistre record de morts contaminés par transfusion sanguine. D’après Kourilsky (« Du bon usage du principe de précaution »), « c’est à tort que l’on croit que, dans ce drame, le principe de précaution n’a pas été mis en œuvre », dans la mesure où une directive a été émise le 20 juin 1983 par le secrétariat d’Etat à la Santé qui demandait que l’on questionnât les donneurs de sang afin d’écarter de la collecte ceux qui présentaient des risques pour les receveurs. Mais cette directive n’a pas été appliquée et près de 1200 cas de sida post-transfusionnels furent répertoriés en France en 1993, soit 17 fois plus qu’en Grande-Bretagne où l’on a questionné dès 1983 et écarté les donneurs à risque.

Parmi les facteurs qui expliquent l’erreur première, sont cités :

-         l’incertitude sur la signification de la séropositivité (tantôt interprétée au début comme signe de protection et tantôt comme preuve de l’infection)

-         le statut des centres de transfusion

-         la sociologie particulière de l’épidémie

-         la surconsommation de sang et des produits sanguins

-         l’évolution des techniques de fabrication des concentrés destinés aux hémophiles

-         l’écoulement de produits non chauffés

-         le prélèvement prolongé de sang dans les prisons.

Il a fallu 14 ans pour parvenir à une explication des connaissances de l’époque « en raison d’un déficit d’expertise scientifique assortie de repères historiques ».

Mais, plus les mesures de précaution sont prises en amont, plus elles coûtent cher car elles sont moins ciblées et moins observées (parce que moins crédibles).

Kourilsky pose la question : « Faut-il traduire en justice le ministre de l’Intérieur et le garde des Sceaux, parce que l’alcool et la vitesse tuent sur les routes françaises plus qu’ailleurs  et que les règlements sont inappliquées ou insuffisants ? » On voit bien, dit-il, qu’une telle démarche charge les responsables politiques du poids symbolique d’une somme d’erreurs individuelles et collectives. Le processus judiciaire est ici apparenté à la recherche de victimes expiatoires.

« Le problème, dans ces dramatiques affaires, n’est pas de couper quelques têtes pour l’exemple. Cette démarche régressive est indigne d’une démocratie moderne. »

 

En conclusion de son livre, Philippe Kourilsky pose la question : « Faut-il combattre le principe de précaution ? »

Pour lui, le principe de précaution a servi la cause du développement durable qui se fonde sur la prise de conscience des devoirs envers les générations futures et sur la prudence avec laquelle doivent être gérés les ressources et l’environnement planétaires.

Et il cite la conclusion du rapport commandé par le Premier ministre à Ph. Kourilsky et à Mme G. Viney en 1999 : « …le principe de précaution est entre les mains du législateur, de l’autorité règlementaire et du juge qui peuvent, à notre avis, en faire la meilleure ou la pire des choses : la meilleure, s’ils parviennent à mettre en place des mesures améliorant réellement la sécurité des citoyens, tout en évitant l’écueil d’une démission générale devant toute prise de risque ; la pire s’ils le transforment en un carcan excluant toute souplesse et décourageant les initiatives nécessaires à l’innovation et au progrès. »

En bref, pour Kourilsky, « le principe de précaution, bien compris et bien manié, constitue un instrument utile. Mais si l’abstention, l’immobilisme et le conservatisme réussissaient à se l’approprier, il faudrait l’’abandonner et même le combattre avec vigueur. »

 

Résumé de la discussion (Yvonne) :

 

La première question qui est posée est de savoir si le principe de précaution est un principe d’action ou d’inaction. Inaction, si, sous prétexte d’un risque incertain, on ne fait rien, mais action si tout est mis en œuvre pour lever l’incertitude de ce risque

 

Tout le monde est d’accord pour craindre que le principe de précaution ne cache souvent que des préoccupations purement économiques. Comme, par exemple, le risque de pandémie de grippe fabriqué par l’industrie pharmaceutique.

 

Concernant les OGM, deux raisons amènent à être contre :

 

1 – Les cultures d’OGM ne peuvent être géographiquement contenues, c'est-à-dire qu’une culture pratiquée dans un champ polluera les champs voisins,

2 – Les graines d’OGM sont stériles, ce qui oblige, chaque année, à racheter la semence ; normalement, la récolte d’une année produisait la semence pour la prochaine saison.

 

Le principe de précaution est avancé ou non suivant les conséquences économiques de la décision : par exemple, le problème, actuellement sans solution, de l’élimination des déchets devrait conduire à ne pas utiliser l’énergie nucléaire ; on n’appliquera donc pas le principe de précaution ! Mais si on n’utilise pas l’énergie nucléaire, on produira du CO2. Alors ?

 Peut-être une autre façon d’envisager la croissance ?

 

Et les téléphones portables ? Le danger semble venir plus des téléphones personnels que l’on se colle contre l’oreille, que des antennes des émetteurs. Il est fait remarquer que porter à son oreille un téléphone est un acte volontaire, dont il est normal que l’auteur en supporte les conséquences, alors que l’effet des antennes est, dangereux ou non, imposé à tout un chacun. Et que dire des systèmes wifi et des téléphones sans fil, qui polluent l’espace intérieur des appartements ? Le principe de précaution devrait nous conduire à les proscrire… mais le marketing des sociétés qui produisent ces matériels nous imposent pratiquement de les adopter.

 

Précaution ou prévention ? Les deux sont parfois confondus. On fera la différence entre ces deux concepts par l’estimation du degré d’incertitude : si l’incertitude est faible on a affaire à de la prévention et à de la précaution dans le cas contraire.

 

Il est fait remarquer que le principe de précaution est né à la fin du XXème siècle par suite d’un changement radical de l’opinion par rapport à la Science : au XIXème siècle la science est indiscutable et détient la vérité ; aujourd‘hui la science est discutée et ne peut déterminer qu’un degré d’incertitude de cette vérité. Ce manque de confiance en la science conduit même parfois à une régression : par exemple, les médecines parallèles étaient jadis très décriées, seule la science était crédible ; aujourd’hui ces médecines sont en recrudescence. Cela constitue-t-il une régression ?

 

Le principe de précaution dépendant de l’incertitude, doit faire appel aux experts pour évaluer cette incertitude ; or, les experts ne peuvent se trouver que chez les groupes concernés par le sujet, d’où les conflits d’intérêt que l’on dénonce aujourd’hui de plus en plus.

 

Il est fait remarquer que les études d’impact d’une réalisation peuvent influer sur le principe de précaution En effet, le principe de précaution pourra être invoqué ou non suivant que l’impact sera ou non important sur la nature, la société, etc…

 

En conclusion, la question est posée : est-on pour ou contre le principe de précaution ? Les réponses sont peu claires. D’une manière générale tout le monde est pour à condition :

- que la précaution ne cache pas une réalité économique,

-  que la précaution ne soit pas institutionnalisée (pas de loi sur ce sujet).

 

 

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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 18:31

CERCLE DES CHAMAILLEURS

14 décembre 2010

 

« Faut-il croire au Bio ? »

 

Présentation par Yvonne

 

 

Le marché « Bio » explose, sous le label AB (Agriculture Biologique). Mais du fait de l’explosion du marché, le label AB n’est pas une garantie d‘authenticité.

Culture bio : le fait le plus indiscutable est l’absence des pesticides. Et d’engrais de synthèse. Il s’ensuit une meilleure qualité de l’air et une moindre consommation d’eau.

 

Faut-il faire confiance au label AB ? Lr « BIO » est le laboratoire de l’agriculture du développement de demain. Dans le temps, on considérait qu’un œuf venait d’une poule, et que cette canette était issue de la ferme voisine ; mais comment aujourd’hui alimenter en bio toutes les grandes surfaces, alors que la vente de ces produits est à petite échelle, directement de l’agriculteur au consommateur (panier fraîcheur : 4 kg de verdure pour 13.90 €).  Tout ceci impliquant la proximité de la production et de la consommation.

 

Aujourd’hui, plus de 11,000 exploitants bio, chiffre qui sera multiplié par 3 en 10 ans.

 

10 % des exploitants sont bio, cela correspond à 550.000 hectares cultivés ; 40 % des français ont consommé un produit bio dans l’année

 

« Je produis moins mais mieux ! »

« J’aurais des scrupules à cultiver des cépages autrement que bio ; en cultivant mes 6 ha de vignes, j’évite la dégradation des sols, car je n’emploie aucun pesticide ! »

 

« Mon lait est bio, car mes vaches ne broutent que de l’herbe, que je fais pousser en utilisant des engrais organiques » (1.9 % des producteurs)

 

« Je fournis des légumes de saison, que je cultive en limitant l’utilisation des pesticides, à 120 parisiens abonnés à mon panier. Quand il a gelé, l’hiver dernier, plus de panier. C’est comme cela que l’on reprend la perception des saisons. »

 

En agriculture bio, l’usage des engrais organiques est limité au minimum. Quand un champ est converti à l’agriculture bio, le nombre des espèces végétales augmente, ainsi que le nombre des espèces d’insectes et d’oiseaux.

 

Le logo européen « AB » sera obligatoire sur tous les produits bio à partir de juillet 2010 ; il pourra être accompagné du logo français. Tous les produits devront parvenir de fermes 100 % bio. Les animaux devront être nourris à partir de produits bio à 80 %. Les OGM ne sont pas admis, alors que les produits bio tout venant (avec label bio) peuvent en contenir jusqu’à 0.9 %, à condition que ces traces soient fortuites.

 

Gare au productivisme : à cause de l’engouement récent des consommateurs, le rayon des produits bio des super-marchés est devenu extrêmement lucratif ; le marché des produits bio a atteint 3 milliards d’euros en 2009 (il a doublé en 4 ans). On nous propose du « bio » partout !

 

Toutes les grandes enseignes déclinent leur propre marque : Ludanone, Les 2 vaches, Heinz, Knorr, Fleury & Michon, Lesieur, Charal… ; même la restauration rapide lance son Hamburger bio (Quick).  Il ne manque que le soda bio pour arroser tout ça !

 

Voici le dentifrice à l’argile bio ; le bio envahit aussi notre salle de bain ; la preuve est cette pâte dentifrice à l’argile garantie sans colorant, sans sulfate, sans parfum de synthèse (les parfums sont le citron, l’eucalyptus, la sauge. Tout est 100 % naturel. La couleur verdâtre n’est pas engageante, mais le goût est léger et agréable. Ce dentifrice ne mousse pas mais l’argile verte est riche en oligo-éléments et offre aux gencives force et apaisement. Manque la fraîcheur des pâtes à la menthe Pour les accrocs du schewing-gum, il en existe à l’argile verte, sans sucre, 100 % bio.

 

Vegebon, adepte du bio, lance en pharmacie une gamme de cosmétiques, qui décongestionne et guérit tous les maux (Dr MIOT).

 

  

Même les dépilatoires existent en version b

io. Sur le site femininbio.fr est apparue une nouvelle marque de cosmétiques verts : la marque « Bio-ethic ». Cécile de France n’utilise que les boules de lavage bio et des couche-culotte jetables biodégradables. Même « Paint-ball » se mitraille avec des peintures biodégradables.

 

Tests de qualité des produits bio (notes sur 20) :

 

-          Jus de fruit Pressade : 17.5

-          Jus de fruit « La vie claire» : 13.9

-          Jambon bio de Fleury & Michon :  15.2

-          Jambon « Leader Price » : 12.5

-          Jambon « Auchan » : 13.6

-          Carottes « Bio-Coop » : 14.9

-          Carottes « Carrefour » : 14.4

-          Mieux vivre « Auchan » : 13.4

 

Ces notes sont attribuées en tenant compte des qualités nutritionnelles et gustatives, de la composition  et des prix.

 

D’une manière générale, les prix des produits bio sont plus élevés que ceux de leurs homologues non-bio. Pour les produits agricoles, la différence de prix s’explique par le coût de production  supérieur de 20 % (plus de travail pour des rendements moindres à ceux obtenus en utilisant des traitements chimiques).

 

Une étude met en cause les avantages du bio. Les aliments bio ne seraient pas exempts de polluants . Les aliments bio ont-ils une meilleure saveur ? Il est évident que les produits issus de l’agriculture locale, qui ont peu voyagé et ont été récoltés depuis peu de temps, ont gardé une meilleure saveur ; plus le circuit entre production et consommation est court, plus les arômes ont des chances d’être préservés. Les produits bio n’ont d’autre part pas subi les techniques de mûrissement accéléré, techniques ne préservant pas les saveurs.

Le label « bio » européen est-il fiable ? La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), qui lance avec Bio-Coop une nouvelle marque, est très exigeante sur les critères de qualité bio ; elle autorise 0.9 % de résidus d’OGM, mais ne tolère rien de ce qui n’est pas autorisé. Par exemple, le yaourt aux fraises, dont les fraises ne seraient pas à 95 % bio, ne peut prétendre au label.

 

Les contrôles sont-ils sérieux ? Oui, les contrôles portent aussi sur les semences qui doivent être bio ; des dérogations sont accordées, en particulier aux gros producteurs qui alimentent la grande distribution.

 

Que vaut le bio dans la grande distribution ? Les super et hyper-marchés se ruent sur le bio (Carrefour Monoprix, Auchan, Leader Price…). Les produits labellisés bio sont parmi les plus grosses ventes de ces enseignes. Mais que penser de ces galettes bretonnes qui ne paraissent avoir le label AB que par la garantie d’absence d’OGM ? Dans les Yvelines, « Auprès de ma blonde » et « Volcelest », deux brasseurs de bière, revendiquent leur attachement au terroir et ne produisent que pour la vallée de Chevreuse.

 

Après le panier bio, des associations proposent des livraisons hebdomadaires de pain bio.

 

Pour votre pelouse, votre potager, apprenez à éviter les pesticides et autres produits magiques contre les parasites et pour faciliter la pousse de n’importe quoi ; n’écoutez pas le chant des sirènes car beaucoup de ces produits sont inutiles et parfois dangereux.

 

Dans votre cuisine, ajoutez le plaisir de confectionner une recette à partir de produits naturels, plutôt que de faire bêtement réchauffer une composition inconnue, mais portant un nom prestigieux.

Y aura-t-il du pesticide dans votre saumon de Noël ? Le saumon contenant le plus de substances chimiques est norvégien ; la Norvège essaie de limiter la teneur de son saumon….

 

Le foie gras issu d’oies élevées avec des produits bio est bio, ainsi que les chapons élevés dans les mêmes conditions.

 

Attention ! Tout y passe ! A croire que les consommateurs de bio sont idiots : les céréales bio font bronzer, le chocolat bio rend intelligents les tout petits ! Le vinaigre, le papier toilette, les pneus (Good-Year) deviennent bio, souvent élaborés à partir de matières premières venant l’Inde ou autre, dans des conditions non contrôlées mais dites bio.

 

Le tabac aussi devient bio, mais alors on peut en faire la publicité (France-Inter). Offrez un doudou bio à votre bébé…. N’importe quoi ! Pendant des années, on a laissé Danone vendre des produits bio, alors que sur les emballages, en toutes petites lettres, on précisait que le produit n’était pas issu de l’agriculture biologique !

 

L’an dernier, la Direction de la consommation et de la répression des fraudes à visité 2000 établissements vendant du bio. Des dizaines d’infractions ont été constatées ; elles  sont de trois types :

 

            - Affichage de bio qui n’en est pas,

- Produits contenant des pesticides,

- Produits sans certificat.

 

Il y a urgence à cibler le vrai bio.

 

Il faut arrêter de dire que le bio est forcément meilleur pour la santé : le lait bio peut  contenir autant de dioxine que son homologue non bio. Les vaches d’un élevage bio ou non peuvent brouter à côté d’un incinérateur. Le plus sage est d’acheter local  même traités,: les pommes, poires, salades et autres fruits et légumes seront meilleurs, à tout point de vue, s’ils n’ont pas parcouru des milliers de kilomètres pour parvenir à votre table.

 

Gare aux dérives vers le tout-bio intensif : la santé et pour la préservation de la planète pourraient en être compromises.

 

D’après une publication récente, l’avantage essentiel de l’agriculture biologique est la non-utilisation des pesticides et des engrais de synthèse, ainsi que la réduction des engrafis (par la rotation des cultures). Ceci va dans le bon sens pour la santé et la sauvegarde de la planète.

 

 

Résumé de la discussion (Marie-Anne) :

 

Quand on parle des avantages du « Bio », il faut considérer deux choses :

-         d’une part, les avantages pour la santé des individus

-         d’autre part, les avantages pour la planète

ou bien les deux en même temps.

 

En ce qui concerne la santé, les produits « bio » sont considérés comme meilleurs, plus sains.

Mais, est-ce si sûr ? Existe-t-il des études qui montrent la supériorité des produits « bio » sur les autres, ceux qui sont produit sans respecter les critères du bio ?

A cette question, aucun membre du groupe n’est en mesure de répondre et d’avancer des arguments précis.

On fait également remarquer que, alors que la majorité de la population dans les pays développés ne consomme pas de produits bio, on a observé une nette amélioration de la santé au cours des dernières décennies.

 

Pour Paul, il faut par ailleurs inclure dans le « bio », la médecine dite naturelle, c’est-à-dire qui fait appel à des méthodes ou à des produits naturels, avis que d’autres membres du groupe ne partagent pas.

Ceci met en évidence, la nécessité de définir ce que l’on entend par « bio », ce qui soulève une discussion animée mais sans qu’il soit possible d’arriver à une définition précise de ce concept.

 

Les seules définitions que l’on trouve dans la littérature concernent « l’agriculture biologique ».

Pour Jean, l’agriculture biologique est une agriculture naturelle, qui utilise des engrais naturels, non chimiques et la rotation des cultures, contrairement à l’agriculture intensive.

Ceci rejoint les définitions « officielles » que l’on trouve sur le net, comme celle de Wikipedia par exemple :  « L’agriculture biologique est un système de production agricole basé sur le respect du vivant et des cycles naturels[1], qui gère de façon globale la production en favorisant l'agrosystème mais aussi la biodiversité, les activités biologiques des sols et les cycles biologiques[2]. Pour atteindre ces objectifs, les agriculteurs biologiques s'interdisent (et excluent réglementairement) l'usage d’engrais chimiques de synthèse et des pesticides de synthèse, ainsi que d'organismes génétiquement modifiés. Les agriculteurs qui pratiquent ce type d'agriculture misent, par exemple, sur la rotation des cultures, l'engrais vert, le compostage, la lutte biologique, l'utilisation de produits naturels comme le purin d'ortie ou la bactérie Bacillus thuringiensis, et le sarclage mécanique pour maintenir la productivité des sols et le contrôle des maladies et des parasites. »

 

Paul estime qu’il faut également considérer l’origine proche ou lointaine des produits alimentaires. En effet, un aliment produit par exemple au Brésil ou au Canada selon des normes « bio » est-il encore un produit « bio » s’il est exporté et consommé en France ?

La réponse est non car son transport sur une grande distance entraîne obligatoirement une pollution.

On aborde ici le 2ème volet qui concerne des effets sur la planète et qui élargit la notion de « bio » à celle du « développement durable ».

Enfin, il faut également considérer l’aspect marketing du bio. Celui-ci est aussi devenu une mode.

 

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14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 18:05

CERCLE DES CHAMAILLEURS

Jeudi 11 novembre 2010

 

Après le capitalisme….

 

  

    

 

 

 

Présentation par Jean

 

  Introduction

 

La présentation s’appuiera sur le livre : « Leurs crises… nos solutions » de Susan George chez Albin Michel.

Dans ce nouvel essai, Susan George inventorie, pour sortir de la crise structurelle que nous traversons, les moyens propres à renverser la logique qui gouverne les affaires du monde, qui consiste à placer la Finance au coeur de nos préoccupations et soumettre l'Économie à l'empire de la Finance, la Société à celui de l'Économie, et enfin la Planète à la satisfaction des besoins sociaux. Renversant l'ordre des facteurs, elle propose de donner la priorité à la Planète (et donc d'abord à la protection des ressources rares), puis de répondre, après avoir satisfait aux exigences environnementales, aux besoins de la Société, de prendre ensuite les moyens économiques pour la satisfaction de ces besoins-là, et d'y adapter finalement la Finance internationale - une Finance délibérément régulée dans cette perspective.
Nous pouvons agir de façon à obtenir un monde plus juste, plus vert, plus généreux bref plus humain. Nous disposons de tout pour cela : les technologies, les moyens humains et financiers, les ressources. Il ne nous faut obtenir que la volonté politique et cela nous le pouvons par nos votes et nos actions.

 

Détruire le capitalisme par une révolution violente ne paraît pas probable à Susan George. Il vaut mieux opter pour une adaptation de ce capitalisme, que l’on ne sait pas remplacer. Le marché et sa loi existent depuis toujours : il faut aujourd’hui définir ce qui doit être un produit, dont le prix sera fixé par l’offre et la demande, et les produits nécessaires à la vie et dont le prix doit être fixé par le pouvoir politique.

 

Ce sera difficile car la devise d’Adam Smith (1776) est toujours d’actualité : « Tout pour moi, et rien pour les autres ! »

 

La pauvreté et l’inégalité :

 

Le « Darwinisme » social montre que la pauvreté et l’inégalité sont absolument nécessaires à notre société, pour favoriser ceux qui s’adaptent le mieux à leur environnement et participer ainsi au progrès général. Sensé être social, la fondation Bill Gates pousse aux rendements les cultures les plus adaptées à être exportées et, nécessitant le renouvellement des semences chaque année, AGRA fait aussi la fortune des marchands américains.

 

Cette politique a complètement négligé les connaissances et les desiderata des indigènes ; il aurait mieux valu les aider à améliorer leur situation mais ils n’auraient certainement pas pris en compte les intérêts des pays développés.

 

Le résultat de tout cela conduit à la conclusion : la pauvreté et les inégalités ne cessent de progresser. Il vaudrait mieux étudier les riches que les pauvres : 10 % de la population de la terre possède 85 % du patrimoine mondial, et 2 % possède plus de la moitié.

 

 

 

L’alimentation :

 

En 2009, plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim. La dette des pays pauvres est à l’origine de cette situation.

 

On ne rembourse pas une dette en nourrissant les peuples endettés. On a donc développé dans les pays pauvres les cultures, dont on pouvait exporter les produits. Il fallait aussi favoriser les grandes exploitations plus facilement rentables.

 

En 2007-2008, une brusque augmentation des prix des denrées alimentaires provoque une crise alimentaire qui touche plutôt les villes, à la périphérie desquelles vivent beaucoup d’anciens paysans ruinés par les grandes exploitations. Pendant le même temps, les céréaliers américains augmentaient de 50 % leurs bénéfices.

 

La Chine achète des terres arables au Mexique, et surtout en Afrique ; elle exporte aussi sur ces terres des paysans chinois Elle pense compenser ainsi le manque de terres arables et aux désastres climatiques

 

La production d’agro-carburants est également la cause de famines. Or la culture des agro-carburants produit plus de gaz à effet de serre que l’utilisation de carburants fossiles.

 

On parle de sécurité alimentaire qui est assurée  par les autres, qui, bien entendu, se préoccupent plus de leur intérêt que de la faim de leur client. Il vaut mieux parler de souveraineté alimentaire qui est le souci de celui qui a faim. Cela conduit à aider au développement des cultures vivrières ; mais cela n’est pas d’un bon rapport.

 

L’eau :

 

Produit idéal : offre rare et limitée, consommation en croissance constante (irrigation, niveau de vie, démographie), donc prix sans cesse croissant ! D’autre part il n’y a pas, et il n’y aura jamais de produit de substitution.

 

De tout cela, il résulte que l’eau ne peut être considérée comme un produit normal, mais doit être un bien public, géré par les pouvoirs publics, se réservant de faire payer l’eau en fonction de son utilisation (irrigation raisonnable ou remplissage d’une piscine).

 

La répartition de l’eau est injuste : l’islandais dispose de 80 000 fois plus d’eau que le koweitien.

 

Consommation des ménages 10 %, agriculture 70 %, industrie 20 %. La consommation industrielle doit être pondérée par la pollution qui peut affecter des volumes d’eau plus importants que l’eau consommée (déversement dans les rivières).

 

Les méga-métropoles en créant des déserts de béton, et pompent des quantités d’eau asséchant les nappes phréatiques ; des effondrements de rue, liés à cet assèchement, ont été constatés à Mexico.

 

 

 

Nos Solutions

 

C’est la peur qui maintient l’ordre dans notre société : peur du lendemain, peur de perdre son emploi, d’être malade. Cette peur fait que l’on peut impunément renflouer les banques qui ont créé leur crise. Mais attention, la colère et la peur peuvent devenir un mélange détonnant.

 

L’idéologie néo-libérale conduit à faire payer aux classes moyennes les erreurs des banques ; en échange, ces classes reçoivent une baisse du pouvoir d’achat, le chômage, la peur du lendemain.

 

Nous avons le nombre, les idées, collectivement les moyens financiers ; il nous manque la confiance en nous et notre union.

 

Sur le plan financier, on peut suggérer les propositions suivantes :

 

1 – Salaires plafond : comme il existe un salaire plancher, en dessous duquel on n’a pas le droit d’employer un salarié, instaurons un salaire plafond, au dessus duquel on n’aura pas le droit de rétribuer un salarié ; ce salaire plafond doit inclure les avantages autres que le salaire, comme les participations au capital, et devrait se situer de l’ordre de 20 fois le salaire plancher.

 

2 – Agences de notation financière : ces agences ne doivent plus être privées, car elles sont partie prenante dans les spéculations, mais doivent faire partie du service public et être contrôlées par le pouvoir politique.

 

3 - La crise actuelle n’est pas seulement financière, mais aussi écologique et sociale. Il faudrait provoquer un élan populaire et industriel, identique au mouvement qui a conduit dans les années 1930 à la préparation de la guerre : toute l’industrie, avec l’appui des populations, s’est orientée vers le matériel militaire. Pourquoi aujourd’hui ne pas provoquer un même élan pour la sauvegarde de la planète et orienter recherches et développements vers les économies d’énergie, la réduction des pollutions...

 

4 – Nationaliser, ou mieux socialiser, les banques, qui du fait de la dernière crise, appartiennent déjà au peuple. Cette idée fait actuellement son chemin.

 

5 – Transformer le crédit en bien public. Les crédits pourraient alors être attribués à tous ceux qui ont un projet vert, entreprises et particuliers. Des prêts seraient aussi plus facilement accordés aux entreprises ayant une bonne politique sociale, juste rétribution du travail.

 

6 – La dette de l’État devrait être gérée par un organisme public, et non géré par les banques.

 

7 – Au lieu d’indemniser du chômage, financer des plans alternatifs, proposés par le personnel d’une entreprise en difficulté et contrainte aux licenciements, délocalisations.

 

8 – Concernant la dette des pays du tiers monde, annulons la dette des PPTE (Pays Pauvres très endettés), en échange de travaux en faveur de l’écologie et du développement populaire : reforestations, développement de l’agriculture locale et de la diversité biologique0. Un comité local, représentant du peuple, pourrait être le correspondant du pays créancier.

 

9 – Reconnaître les investisseurs dans le vert et le propre, en, par exemple, exonérant de charges les gains possiblement réalisés.

 

10 – Imposer les riches : supprimer les remises et restituer la progressivité de l’impôt. Pour l’Europe, la règle de l’unanimité est un obstacle à l’uniformisation de la fiscalité. Un euro-groupe musclé pourrait améliorer la situation.

 

11 – Etablir une fiscalité internationale, taxant les compagnies transnationales.

 

12 – Taxer le plus ce que l’on veut le moins : taxer les pollueurs et favoriser ceux qui respectent la planète (taxe carbone).

 

13 – 788 000 milliards de dollars par an est le montant des transactions du marché des changes et des produits dérivés ; une infime proportion de ces montants permettrait d’éradiquer la faim dans le monde et de financer l’ensemble les programmes relatifs aux énergies nouvelles. Le taux devrait être plus élevé s’il doit financer le développement écologique (taxe Tobin) et moins élevé s’il doit être dévolu au progrès social, pour être indolore et accepté.

 

14 – Une banque centrale peut taxer les transactions concernant sa propre monnaie ; la BCE pourrait taxer tout achat d’euros.

 

15 – En finir avec les paradis fiscaux : les entreprises trans-nationales (ETN) se servent de ces refuges pour échapper à l’impôt. Une multinationale américaine compte 692 filiales aux îles Caïman !  Les paradis fiscaux participent à la pauvreté et à la faim dans le monde.

 

16 – Unifier les règles comptables des ETN, qui, de ce fait, devraient déclarer tous les éléments de leurs charges et revenus dans tous les pays où elles exercent leur activité.

 

17 – Taxer les kilomètres parcourus par les produits que nous consommons, surtout les produits alimentaires, et par là financer les technologies vertes.

 

18 – L’UE devrait émettre des bons du trésor, qui seraient bien reçus et à taux faible, alors que les bons grecs sont à taux élevé.

 

19 – La décroissance : pour croire à une croissance infinie dans un espace fini, il faut être fou ou économiste ! On pourra commencer par réduire la fabrication d’armement et de défense ; c’est une première solution.

 

 

Conclusions : Pour rassurer les gens qui vous ont prêté, utilisez l’argent de ceux qui vous font encore confiance… c’est un vieux principe, qui à été porté à son paroxysme aujourd’hui. Ce n’est pas fini ; si nous continuons ainsi, l’humanité est condamnée. Encore les institutions actuelles, le G20, font semblant de croire que notre civilisation est immortelle. C’est donc à nous, à vous, de changer les choses. Une grande résilience aux éléments néfastes aggravant l’alimentation, l’eau, les inégalités sociales.

Le mouvement alter-mondialiste peut fédérer nos actions isolées et ensemble, nous pouvons tout...

 

Yes, we can !

 

 

Résumé de la discussion (Michel)

 

La discussion a porté essentiellement sur la partie de l’ouvrage de Susan George consacrée aux solutions.

-         La proposition n°3 serait pour l’auteure la plus utopique. Provoquer un « élan populaire » pour la sauvegarde de la planète en orientant les recherches et le développement dans ce sens (et créer ainsi de nombreux emplois) correspond pourtant aux grandes orientations des écologistes. Les succès électoraux qu’ils ont remportés ces derniers temps dans plusieurs pays occidentaux, y compris en France, semblent bien montrer qu’ils ne prêchent plus dans le désert.

-         D’après la présentation qui nous a été faite, Susan George n’aborde pas le problème de la corruption.  Jean précise alors qu’il n’en est rien et qu’elle souligne par exemple que jusqu’à 60 % des fonds alloués par les Etats ou le FMI aux pays pauvres aboutissent en fait dans les banques des paradis fiscaux dont la Suisse, sur les comptes personnels des chefs d’Etat.

-         Dans la lutte contre le chômage, elle ne parle pas de la formation !

-         Un membre du Cercle se demande pourquoi la décroissance n’apparaît qu’en 19ème  et dernière  position des propositions ? Pour un autre, loin de témoigner de la place très secondaire de la décroissance, l’auteure veut au contraire ainsi mettre en évidence sa place prépondérante dans les solutions proposées, comme une sorte de synthèse des 18 propositions précédentes.

Ceci n’est cependant pas évident, au moins d’après la présentation par Jean de la 19ème proposition. La réduction de la fabrication des armements et de la place de la défense dans le budget des Etats comme éléments primordiaux pour aller vers la décroissance est sans doute parmi les plus difficiles à faire accepter et à mettre en place dans le contexte international actuel, qui est bien loin de « la fin de l’histoire » annoncé par Fukuyama en 1989.

La majorité des « décroissants » s’opposent avant tout à un développement économique infini et prônent pour ce faire la réduction des dépenses énergétiques, ce qui suppose notamment des modifications de nos modes de vie dans tous les domaines.

-         Un membre du Cercle regrette que l’auteure se contente de lister un certain nombre de propositions de solutions sans vraiment établir un ordre de priorités. Pour un autre, ceci est probablement volontaire car elle ne cherche pas à proposer un programme de gouvernement mais plutôt à dénoncer les carences et dysfonctionnements des politiques actuelles, ce qui est le rôle d’organismes comme Attac dont l’auteure est d’ailleurs présidente honoraire.

En conclusion, plusieurs membres du Cercle s’estiment cependant trop incompétents en matière économique et financière pour bien juger de la pertinence réelle de cette analyse et des solutions proposées.

 

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14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 17:57

Cercle des Chamailleurs

 

Thème commun : Nation/Nationalisme

Mardi 12 octobre 2010

 

Ce thème a été abordé à partir de l’étude de 6 ouvrages que les membres du Cercle des Chamailleurs se sont partagés.

 

1. Michel : « Qu’est-ce qu’une nation ? » Ernest Renan (Mille et une nuits, 1997, 47pages)

Il s’agit du texte d’une conférence donnée à la Sorbonne par Ernest Renan en mars 1882.

 

Renan donne la définition suivante de la nation : « L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. »

 

Il ajoute notamment :

-         à propos de la race : « La race, comme nous l’entendons nous autres historiens, est quelque chose qui se fait et se défait. »

« La France est celtique, ibérique, germanique…il n’y a pas de race pure ».

-         à propos de la langue : « Les Etats-Unis et l’Angleterre parlent la même langue mais ne forment pas la même nation. » Il dit encore : « Il y a dans l’homme quelque chose de supérieur à la langue, c’est la volonté ».

-         à propose de la religion : « Contrairement à Athènes, de nos jours, il n’y a plus de religion d’Etat. On peut être français, anglais ou allemand en étant catholique, protestant, israélite ou en ne pratiquant aucun culte. La religion est devenue chose individuelle. »

« Comment la Suisse qui a trois langues, deux religions, trois ou quatre races, est-elle une nation quand la Toscane, qui est pourtant si homogène, n’en est pas une ? »

(Ne pas oublier que cette conférence a été donnée en 1882 !)

 

Pour Renan, « l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses ».

A ce propos, il dit encore : «  L’oubli ou même l’erreur historique sont un facteur essentiel  à la création d’une nation et le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger ».

 

Autre élément essentiel de sa conception de la nation : « Une nation est un principe spirituel, une famille spirituelle, non un groupe déterminé par la configuration du sol ».

Et surtout : «  Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment de sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé, elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie. »

Il estime que : « une nation n’a jamais un véritable intérêt à s’annexer ou à retenir un pays malgré lui. » (1882 !)

 

Et enfin : « Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé. Elles finiront. La confédération européenne probablement les remplacera. »

 

Dans la postface, Nicolas Tenzer (philosophe) revient sur les différences entre les conceptions française et allemande de la nation : il rappelle que la conception allemande est fondée sur le sol et une langue commune.

 

2. Marie-Anne : « Le mythe national » sous-titre : « L’histoire de France en question »

Suzanne Citron Les éditions ouvrières/Études et documentation internationales, (1987) 320p.

 

Cet ouvrage remet en question l’histoire de France telle qu’elle a été établie au cours des siècles par les élites au pouvoir et notamment au XIXème siècle pour l’enseignement scolaire, à partir des ouvrages de Michelet et ensuite de Lavisse. Et on en retrouve encore des traces dans les manuels scolaires en 1985. Cette histoire repose en grande partie sur des mythes, souvent très éloignés de la réalité comme l’ont mis en évidence les travaux des historiens au cours du XXème siècle.

Il s’agit d’un livre parfois difficile mais très riche et très documenté avec de nombreuses références dont je ne ferai que citer quelques phrases-clés qui m’ont paru particulièrement représentatives.

 

Pour Michelet, « la France est une religion, une âme, une personne ». On trouve chez lui l’amour religieux de la patrie et le culte de la révolution. La France est la « Patrie-Messie ».

L’histoire de France vue par Lavisse « fait appel à l’esprit guerrier et au sacrifice, jamais à la créativité intelligente et constructive et le cours d’histoire est un hymne à la patrie française. »

 

Il découle de ces récits que l’histoire du « pays des droits de l’homme » n’a rien d’une histoire des droits de l’homme ! (justification des guerres françaises, toujours « justes », de la colonisation, etc…).

 

En fait, les « gaulois » n’existent qu’à travers les Romains car « la Gaule » est une invention des Romains. Lorsque César parvint au Rhin, il écrivit que le Rhin était « la frontière entre Gallia et Germania » et il créa deux espaces géographiques qui n’auraient pas existé sans lui.

Comme le souligne S. Citron, « l’idée que la  France est déjà inscrite dans la Gaule n’est qu’un mythe de l’historiographie républicaine. » Et les Gaules ont toujours été multiples.

Elle rappelle que les révolutionnaires, dont la culture est imprégnée du culte de l’antiquité romaine, s’affichent gaulois à part entière.

 

Par ailleurs, il faut attendre l’école obligatoire et le service militaire pour que se développe réellement un sentiment unitaire de la France.

Citron cite également Seignobos qui, vers 1930, insiste sur la diversité des populations françaises : « La nation française est plus hétérogène qu’aucune autre nation d’Europe ; c’est en vérité une agglomération internationale de peuples et il faut une ignorance totale de l’anthropologie pour parler de « race française »…les français sont un peuple de métis ».

 

Pour Chaunu, « la France s’est faite en l’espace d’une génération par l’association du nord et du sud née de la croisade albigeoise ».

 

Compte tenu des nouvelles connaissances, des besoins de redéfinir « l’identité française » et de la perspective de l’inscrire dans une identité européenne ouverte aux problèmes mondiaux, on doit repenser le passé. Chaque français d’aujourd’hui a le droit d’y repérer ses ancêtres.

« Mohamed peut-il être un bon français ? » (Evènement du Jeudi du 13 juin 1985) « Sûrement pas si on se contente de lui imposer un passé gaulois ».

 

Michel Winock a distingué un « nationalisme ouvert » et un « nationalisme fermé ». Il qualifie ce dernier de « clos, apeuré, exclusif, définissant la nation par l’élimination des intrus : les juifs, les immigrés, les révolutionnaires » (en 2010, on pourrait ajouter les Roms !), et il reconnaît dans le nationalisme ouvert, celui d’une nation « généreuse, hospitalière, solidaire des autres nations en formation, défenseur des opprimés ».

 

Pour reprendre des éléments de la conclusion du livre de Suzanne Citron :

« Nous ne sommes pas l’incarnation d’une essence « gauloise » mais nous sommes le résultat de millénaires de brassages, identifiable depuis deux millénaires. Et les migrants des deux derniers siècles sont eux-mêmes le résultat de complexes « melting-pots ».

« Les jeunes issus de l’immigration s’intègreront mieux dans une identité française qui ne sera plus présentée comme une essence passéiste, mais comme une dynamique en mouvement depuis des siècles. »

Et enfin : « Une francité nouvelle, contractuelle, dynamique, créative, généreuse, interculturelle, est à inventer, ouverte sur l’Europe et sur le monde. Elle devra rompre avec le mythe gaulois et avec une histoire conçue comme célébration du pouvoir des rois puis de l’Etat-nation. »

 

3. Jean : « La raison des Nations » de Pierre Manent Réflexions sur la démocratie en Europe L’esprit de la cité Gallimard (2006), 102p.

 

« Si tout le monde ne sent pas ce que je dis, j’ai tort » (Montesquieu)

 

- Pris entre notre vieille Nation et cette Europe nouvelle que nous espérons rejoindre sans savoir comment.

Dates-clé :

-         1776 : Indépendance des Etats-Unis. Naissance de la Démocratie

-         1848 : Début de la Démocratie, synonyme de la lutte des classes

-         1968 : la Démocratie est reconnue par toutes les classes et prend des nuances diverses : sociale, économique….

-         2001 : (11 septembre) Seule la Démocratie Libérale survit.

 

Le 11 septembre 2001 a montré que le fossé entre les communautés religieuses était plus profond que ce que l’on croyait.

 

A un gouvernement représentatif tend à se substituer une gouvernance démocratique, qui ne nous gouverne ni ne nous représente.

 

Nous  nous berçons d’une illusion : une humanité unifiée, qui se tiendrait ensemble sans le soutien de toute forme politique.

 

Nous ne savons en outre pas quoi faire de la religion ! Alors que celle-ci prend de plus en plus de place dans les pays en voie de développement.

 

Pierre Manent pense que l’Europe doit revenir à la valorisation de l’Intelligence, de ses ressources spirituelles.

 

Les phrases telles que :

«Que veut-on dire ? On veut dire sans aucun doute que l’Europe n’est pas chrétienne, mais on ne peut pas le dire. Quelque chose empêche de dire que l’Europe n’est pas chrétienne. La seule chose qui empêche de dire que l’Europe n’est pas chrétienne, c’est qu’elle l’est en effet. »

…ne m’ont pas conduit à apprécier cet auteur, ni son livre.

 

4. Anne : « La nation dans tous ses états. Les identités nationales en mouvement » Alain Dieckhoff, Essais Flammarion (2001), 356 p.

Quelques idées relevées dans le début de ce livre :

-         La mondialisation n'est pas capable d'homogénéiser l'espace social de la planète et de réduire durablement les divers particularismes nationaux. On peut observer une multiplication d'interactions entre peuples et en même temps des tendances parallèles à la différenciation.

-         La croissance des flux migratoires ne doit pas faire oublier que l'immense majorité des humains vit dans son environnement national et ne cherche pas à en changer. Même en Europe cet état de fait reste massif (seuls 1,5% des ressortissants communautaires vivent dans un autre pays que le leur).

-         La culture est à la base de la découverte nationale. L'auteur prend l'exemple de l'Allemagne qui était fragmentée en seigneuries, villes impériales... jusqu'à la traduction de la bible en allemand ; puis la redécouverte de la Germania de Tacite a fait le lien entre les tribus germaniques et les Allemands de la fin du moyen-âge. Le chef de tribu Arminius qui lutta contre la domination romaine, verra son nom germanisé en Hermann et deviendra la figure centrale du mythe allemand et l'incarnation de leur supériorité ethnique. Ceci sera renforcé par le mouvement littéraire du Sturm und Drang et des écrivains comme Schiller.

-         L'intelligentsia  continue ce rôle d'agent du nationalisme car elle a un intérêt objectif à défendre ou à faire prospérer la culture dont elle a la charge.

-         Le nationalisme et l'internationalisme ont longtemps été vécus comme deux concepts opposés mais on peut voir actuellement qu'ils coexistent. L'auteur cite deux exemples pour illustrer cela: la Belgique et le Canada.

 

Il faudrait évidemment approfondir ces idées et lire tout le livre.

 

5. Yvonne : « Le Nationalisme » Jean-Luc Chabot, Que sais-je ? Presses Universitaires de France (1997), 128p.

 

Le nationalisme souffre d’une imprécision de sens et d’une ambiguïté d’utilisation. C’est une idée politique à large extension.

Certains veulent signifier Patriotisme et sentiment National marqué par la révolution française ; l’amour pour sa propre nation.

D’autres conçoivent le Nationalisme comme une affection collective passagère à des mouvements épisodiques.

 

L’idée nationale n’a pas pour objet, le plus souvent, une conquête du pouvoir par le peuple, mais inversement  une conquête du peuple par le pouvoir. C’est pourquoi ce nationalisme est toujours tributaire de la forme du pouvoir.

 

Le patriotisme national succède au nationalisme, souvent avec quelques traces de nationalisme, comme dans le cas du gaullisme.

 

L’Europe ne domine plus le monde, le nationalisme ne domine plus l’Europe.

 

Au début des années 1960, la chute de la natalité, l’immigration intensive dûe aux besoins de main d’œuvre engendre un bouleversement de la structure de la population française, provoquant un choc des cultures, des coutumes et religions ; cela a alimenté un nationalisme, à tonalité raciste, qui a atteint 11 % des voix aux élections européennes (1984) et 15 % aux élections présidentielles de 1995. Ce nationalisme électoral représente une crise d’identité nationale, la  crainte de la disparition de l’identité nationale.

 

Ce nationalisme passe comme une négation contemporaine du patriotisme

 

6. Paul : « Actes du colloque 1984. Diversité culturelle, société industrielle, État national. » L’Harmattan (1984), 270p.

 

Avant de traiter des actes du colloque, il faut préciser certaines notions, autour de l'État-nation.

 

Le point de départ est le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le principe des nationalités (« nationalité culturelle »). Chaque peuple a droit à avoir un État. A partir de là, chaque État-nation établit une nationalité juridique (lien de chacun avec l'État).

La nationalité culturelle ayant donné naissance à un État, la population de cet État-nation est théoriquement homogène, ce qui est toujours faux. Le principe des nationalités n'est jamais totalement abouti.

 

Toute société est multiculturelle : diversité de classes, diversité ethnique, linguistique, religieuses... L'État-nation se veut homogène, la société est multiculturelle. De même, la société industrielle a besoin d'uniformiser les cultures pour assurer et distribuer sa production. D'abord au niveau national puis dans le cadre de la mondialisation. La revendication culturelle se fera contre l'uniformisation, contre le centralisme avec des tendances à valoriser le passé.

 

L'État-nation est un phénomène récent et n'est pas le seul mode d'organisation : État impérial (Empire ottoman, Autriche-Hongrie), État fédéral (Suisse, ex-Yougoslavie).

Lors de sa constitution, l'ONU (Organisation des Nations Unies qui est en réalité une organisation d'États) comprenait 51 États, elle en regroupe aujourd'hui 192. D'autres risquent d'être créés demain par l'éclatement de certains États.

 

Dans un État-nation, il y a toujours une majorité (en réalité une minorité) dominante qui présente ses valeurs comme celles de l'ensemble : la France catholique (ou laïque) mais il y a des protestants, des israélites, des athées, des musulmans aujourd'hui... La langue française (académique) mais il y a aussi les variantes du français, les langues régionales et, il n'y a pas si longtemps, des Français ne parlaient pas français mais seulement une de ses langues...

 

Dans l'État-nation, un groupe dominant (classe et/ou ethnie et/ou religion...) impose son hégémonie au nom de l'unité (l'obsession de l'unité nationale). La majorité (ou plutôt la minorité dominante qui se dit majorité) définit la norme, la minorité (ou plutôt les minorités) est niée, différente, anormale, inférieure....

 

La minorité a le choix entre le repliement ou l'intégration. Le repliement sur la culture minoritaire, c'est l'auto-exclusion, ou l'intégration mais pour cela il faut adopter au moins partiellement la culture et les armes qui fonctionnent dans la société, et donc perdre sa spécificité.

 

La majorité a le choix d'assimiler, de détruire, de « parquer », quand il y a un statut de la minorité, c'est toujours en statut d'infériorité.

Est-il possible d'arriver à une société interculturelle, avec l'égalité des cultures ? Où l'union remplace l'unité ? L'égalité dans la diversité remplace l'hégémonie ? Pour cela, il faudrait qu'il n'y ait pas une culture qui soit constamment en État d'infériorité. Qu'il y ait un dialogue d'égal à égal. Que tous les groupes soient ouverts....

 

 

DISCUSSION (résumé par Paul) :

 

-         Pour Renan, il faut que les membres de la nation aient un passé commun fait d'histoire, vrai et fausse (de souvenirs et d'oublis) et d'une volonté de vivre ensemble (le plébiscite d chaque jour).

-         La notion d'oubli est importante. Mais il ne faut pas tout oublier. Il ne faut pas oublier les faits, il faut en tirer un enseignement et oublier les rancœurs. En Afrique du sud, les fautes graves (des crimes) ont été mises sur la place publique et les auteurs ont été réintégrés dans la communauté nationale. Il n'y a pas eu d'épuration sanglante.

-         Dans les relations franco-algériennes, les faits sont relatés à la lumière des rancœurs des deux cotés rendant les relations pacifiées impossibles.

-         Peut-on vivre sans nation, dans une humanité une et indivisible, ayant la même morale ou est-ce un vœu pieux ?

-         La nation est, jusqu'à maintenant, un lieu de solidarité. Ce que n'est pas l'Union européenne ou le monde. Les lois sociales sont les mêmes pour tout le monde dans tout le pays. Il existe une péréquation qui fait que le prix du timbre ou de l'électricité est le même dans tout le pays.

-         Bien entendu, ce n'est pas parfait, c'est même peut-être en voie de régression. Mais, c'est une forme de ce que Renan appelle le vouloir vivre ensemble. C'est loin d'être établi au niveau de l'UE, ce que ne permet pas le faible budget de l'Union.

-        Romain Gary a dit : « le patriotisme, c'est l'amour des siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres » et Jaurès : « Un peu d'internationalisme éloigne de la patrie,  beaucoup y ramène ». On ne peut être internationaliste que si on est sûr de ses valeurs.

-        L'Europe n'est plus dominée par les nationalismes. Si on compare au siècle passé, il est évident que le nationalisme ne domine pas chacun des pays européens. Mais il faut noter que la volonté européenne des « pères de l'Europe » est en panne et que s'il n'y a pas les nationalismes des années 30, il y a une montée des nationalismes lors des élections dans de nombreux pays de l'Union, y compris dans certains réputés pour leur tolérance : Pays-Bas, pays nordiques.
Cette montée des nationalismes peut s'expliquer par le sentiment de perte d'identité nationale des Européens face à la montée des l'islam d'une part (importance du 11 septembre 2001) et de l'impression que les décisions importantes sont prises ailleurs, au niveau de l'Europe ou encore plus haut du fait de la mondialisation libérale.

 

-        L'Europe ne domine plus le monde et il n'y a pas non plus et cela va avec, de nationalisme européen.

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14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 17:40
Françoise Dolto
23 septembre 2010
Présentation par Marie-Anne
(d’après Wikipédia et autres sources)

Françoise Dolto est une pédiatre et psychanalyste. Elle s'est consacrée à la psychanalyse de l'enfance dont elle est une des pionnières.

Et d’abord, sa biographie

Françoise Dolto est née le 6 novembre 1908 ; elle est issue d'une famille bourgeoise de conviction catholique et monarchiste du 16earrondissement de Paris : sa mère Suzanne Demmler, de souche alsacienne, est fille de polytechnicien et son père Henri Marette est également ingénieur polytechnicien, devenu industriel. Quatrième enfant d'une fratrie de sept (elle est la sœur de Jacques Marette (1922–1984), ministre français des Postes de 1962 à 1967), elle est élevée de manière très traditionnelle.

Bébé, elle est confiée à une nourrice irlandaise qui s'occupe beaucoup d'elle. Les parents renvoient brutalement la nourrice en découvrant que, bien qu'elle s'occupât de l'enfant avec soin, elle se prostituait et s'approvisionnait en cocaïne y compris pendant ses heures de nourrice.[] Le bébé, alors âgé de huit mois, attrape une bronchopneumonie, dont elle guérit après que sa mère l'eût tenue contre elle vingt-quatre heures durant au plus fort de la maladie.

Très jeune, elle parle de devenir « médecin d'éducation » selon ses propres termes : « Un médecin qui sait que quand il y a des histoires dans l'éducation ça fait des maladies aux enfants, qui ne sont pas des vraies maladies, mais qui font vraiment de l'embêtement dans les familles et compliquent la vie des enfants qui pourrait être si tranquille ».

À l'âge de huit ans, elle perd son oncle et parrain (Pierre Demmler), qui meurt à la guerre de 14-18. Lui ayant assigné une place d'époux symbolique, comme peuvent le faire les enfants de cet âge, elle l'appelle « son fiancé » et en porte le deuil comme une veuve de guerre.

À douze ans, elle est profondément marquée par la mort de sa sœur Jacqueline, âgée de dix-huit ans, préférée de sa mère. Celle-ci tombe dans une grave dépression et en tient rigueur à Françoise, en l'accusant de ne pas avoir su prier assez fort pour sauver sa grande sœur. Elle lui avait dit, la veille de sa première communion, que les prières d'un enfant très pur pourraient la sauver. Françoise Dolto rapportera plus tard :

« J'ai vu ma mère souffrir au point qu'elle ne pouvait pas tolérer de voir un enfant handicapé dans la rue, j'étais à côté d'elle, comme ça, rétrécie de souffrance pour elle et pour l'enfant qu'elle injuriait (avec la mère de cet enfant qui poussait la voiture) « si c'est pas malheureux de voir ça vivre et des beaux enfants qui meurent, quelle honte! » (...) J'ai éprouvé comme ça des choses tellement douloureuses, avec une telle compassion pour les gens qui souffraient parce que je ne pouvais pas faire autrement[2] »

Pour sa mère, une fille n'a d'autre horizon que le mariage et, forte de ce principe, elle lui interdira de poursuivre des études. A seize ans, elle doit affronter la volonté de sa mère qui ne veut pas la laisser passer son baccalauréat, car elle ne serait plus mariable. Néanmoins, Françoise Marette réussira à devenir infirmière puis médecin, « en payant ses études avec l'argent qu'elle gagne »[].

En 1932[4], elle entreprend une psychanalyse qui durera trois ans avec le professeur René Laforgue, un pionnier de la psychanalyse en France. Celui-ci, lui trouvant des aptitudes, lui conseille de devenir elle-même psychanalyste, ce qu'elle refuse d'abord, voulant se consacrer à la médecine.

En 1939, sur les conseils de Laforgue et après avoir été en contrôle avec Nacht et Lagache, elle devient membre adhérente de la Société psychanalytique de Paris.

Elle assistera plus tard Sophie Morgenstern, la première à pratiquer la psychanalyse des jeunes enfants en France : elle lui confie la tâche d'écouter, et seulement écouter, les enfants qu'elle devait soigner. Ses patients seront surtout des enfants et des psychotiques. « À la veille de la guerre, elle jette les bases d'une méthode psychanalytique de thérapie d'enfants centrée sur l'écoute de l'inconscient et débarrassée du regard psychiatrique »[5].

En février 1942, elle épouse, Boris Ivanovitch Dolto, fondateur d'une nouvelle méthode de kinésithérapie en France, ainsi que d'une école de podologie : l'École française d'orthopédie et de massage. Ils s'intéressent tous deux aux rapports entre corps et psychisme ; leurs échanges seront très enrichissants. Ils ont trois enfants : Yvan-Chrysostome Dolto (19432008), devenu chanteur sous le nom de Carlos, Grégoire Dolto en 1943, devenu ingénieur, et Catherine Dolto en 1946, devenue pédiatre, passionnée d'haptonomie (la pratique de l'haptonomie consiste à créer des liens affectifs par l'intermédiaire du toucher. Elle est surtout pratiquée dans le cadre néo-natal , parfois aussi dans l'accompagnement de fin de vie des personnes âgées). Catherine Dolto a aussi écrit des livres pour les enfants et leurs parents.

Décédée le 25 août 1988, Françoise Dolto est inhumée au cimetière de Bourg-la-Reine dans le caveau familial, aux côtés de son mari Boris, puis de leur fils Carlos.

Quels sont les travaux et les principaux apports de Françoise Dolto ?

L'enfant comme sujet à part entière

La coutume lui prête volontiers la phrase « le bébé est une personne » (qu'elle n'est pas en fait la première à prononcer.[ D'après sa fille, Catherine Dolto, c'est en réalité le titre d'une série d'émissions consacrées aux bébés réalisée par un psychiatre, Tony Lainé et un journaliste, Daniel Karlin, diffusées en 1984]). Elle a défendu, tout au long de sa carrière, l'idée que l'enfant est un sujet à part entière et ceci, dès son plus jeune âge. De ce fait, elle souligne l'importance de la parole que l'adulte peut adresser à l'enfant sur ce qui le concerne, parole qui peut l'aider à construire sa pensée.

 

Son travail de psychanalyste a consisté à repousser les limites de l’intervention psychanalytique au premier jour de la vie de l’enfant, ses intuitions thérapeutiques, son travail pédagogique en direction des parents comme des professionnels, son combat en faveur de la « cause des enfants » font de Françoise Dolto un repère incontournable dans l’approche de la petite enfance.

Un des principaux apports de Françoise Dolto fut de reconnaître l’enfant, dès son plus jeune âge, comme sujet de lui-même, dans le droit-fil de la psychanalyse qui considère le patient comme le sujet de ses désirs inconscients. « Notre rôle de psychanalyste, disait-elle, n’est pas de désirer quelque chose pour quelqu’un mais d’être celui grâce auquel il peut advenir à son désir. »

Médecin, ayant mené une cure analytique, elle écoutait donc des sujets à part entière, considérant que les enfants de un an disposent, à leur manière, d’une pleine intelligence des choses. Ce faisant, elle les sortait de leur statut social d’infans, étymologiquement « celui qui n’a pas droit à la parole ». « C’est un scandale pour l’adulte, disait-elle, que l’être humain à l’état d’enfance soit son égal. »

Pour Freud, le rêve, mais aussi tout symptôme pathologique, est un langage à déchiffrer. Pour Françoise Dolto, l’être humain est un être de langage, avant même qu’il ne sache parler. Dans le ventre de sa mère, chez le fœtus, la fonction symbolique est déjà à l’œuvre. Cette certitude lui permit d’écouter et d’entendre ce qui « fait sens » par le corps du bébé.

 

A son grand étonnement, elle découvrit qu’une parole adressée à un nourrisson qui ne parle pas encore peut avoir des effets thérapeutiques. C’est pourquoi elle a toujours proposé aux parents de parler à l’enfant de tout ce qui le concerne, de « parler vrai », dès sa naissance. Car le pire pour un être humain est ce qui reste privé de sens : ce qui n’est pas passé dans le langage.

Pour Françoise Dolto, la conception est une rencontre à trois et pas seulement à deux : « Seul chaque enfant se donne vie par son désir de vivre. » Le fait que l’embryon vive et que la mère ne « fausse couche » pas atteste le fait qu’il y a désir partagé de vie. Dès sa conception, le fœtus est donc un être humain en devenir. Il est en communication inconsciente avec la mère. Les états émotionnels de celle-ci, comme les événements qui surviennent, marquent sa vie psychique. Une mère qui « oublie » qu’elle est enceinte peut accoucher d’un enfant qui se révélera psychotique.

 

Françoise Dolto décrit le développement de l’enfant comme une suite de « castrations » : ombilicale avec la naissance, orale avec le sevrage, anale avec la marche et l’apprentissage de la propreté. Chaque fois, l’enfant doit se séparer d’un monde pour s’ouvrir à un nouveau monde. Chacune de ces castrations est une sorte d’épreuve dont l’enfant sort grandi et humanisé. La responsabilité des parents est de l’aider à les franchir avec succès.

Avec la coupure du cordon ombilical, le bébé renonce à l’état fusionnel avec la mère et gagne le monde aérien. L’allaitement ou le biberon ne représentent pas que la satisfaction d’un besoin alimentaire, car le nourrisson est également un être de désirs, c’est un moment de corps à corps et de communication. C’est pourquoi « il faut castrer la langue du téton pour que l’enfant puisse parler », déclare Françoise Dolto. En renonçant au sein et au lait, le bébé renonce à nouveau à un état fusionnel avec sa mère. Avec la distance et la libération de la bouche, il acquiert la possibilité de parler. A cette époque, plus encore qu’à aucune autre, la mère doit apporter à l’enfant un bain de langage.

Avec la marche, l’enfant s’éloigne de sa mère pour découvrir l’espace. Encore faut-il qu’il ne soit pas bridé dans cette première autonomie. L’apprentissage de la propreté doit se faire lorsque l’enfant a acquis le contrôle musculaire suffisant, et non à un âge préétabli et sous la contrainte. A cette période, les parents commencent à poser des interdits pour sauvegarder l’enfant et lui enseigner la première loi : celle de ne pas nuire à autrui et de ne pas tuer. S’ils le font de façon sadique, c’est-à-dire seulement oppressive, ils n’apprennent pas à l’enfant à transformer ses impulsions agressives en désirs socialisés. Tout au long de la vie, ces impulsions seulement refoulées se déchargeront à la moindre occasion, avec une cruauté qui sera restée infantile.

 

La découverte de la différence des sexes représente une perte pour tout enfant : le garçon comprend qu’il ne portera pas d’enfant comme sa maman, et la fille qu’elle ne dispose pas de cet appendice qu’elle convoite dans un premier temps. C’est l’âge (environ trois ans) où l’enfant cherche à savoir « comment on fait les bébés ». Là encore la parole des parents est essentielle pour intégrer ce qu’est la sexualité, plaisir compris. L’enfant apprend que ses parents ont été eux-mêmes engendrés selon l’ordre des générations auquel tous les humains sont soumis, et qu’il appartient à une lignée.

C’est à cette époque que le père prend toute son importance avec la découverte de son rôle procréateur. Est-ce à dire que l’enfant vit jusque-là dans le matriarcat ? Pour Françoise Dolto, le père existe dès la procréation. Il existe d’abord par la mère : il est celui qui la mobilise et la détourne de l’enfant, lequel fait alors l’expérience douloureuse et nécessaire qu’il n’est pas tout pour elle. A trois ans, tout est en place pour que l’enfant aborde, bien ou mal, le fameux complexe d’Œdipe (Le complexe d'Œdipe est un concept central de la psychanalyse. Théorisé par Sigmund Freud, il est défini comme le désir inconscient d'entretenir un rapport sexuel avec le parent du sexe opposé (inceste) et celui d'éliminer le parent rival du même sexe (parricide). Ainsi, le fait qu'un garçon tombe amoureux de sa mère et désire tuer son père répond à l'impératif du complexe d'Œdipe)[]. C’est ce qui permettra au garçon et à la fille de sortir du cercle familial et d’entrer dans la société.

Un exemple permet d'entrevoir la façon de travailler de celle à qui on reprochait souvent d'être trop intuitive et pas assez méthodique alors qu'elle prenait au sérieux la moindre phrase, le moindre mot, le plus petit dessin en cherchant à comprendre à chaque fois ce qu'il pouvait signifier pour son jeune patient. Dans le tome 2 du "Séminaire de psychanalyse d'enfant", Françoise Dolto relate cette anecdote :

"Il me revient aussi le souvenir d'un cas extraordinaire d'enfant mutique. C'était une petite fille de 3 ans ; elle s'occupait à un jeu tel que j'ai demandé à la mère si elle avait fait une fausse couche. Elle me répondit : "Oui, mais c'était avant la naissance de la petite". Elle avait alors subi un avortement sur le conseil d'un médecin. Ce n'était donc pas cela. Je dis à la mère : "Alors, ce serait quelque chose d'autre". Elle commençait à rire : "Ce serait trop drôle". Je lui dis : "Non, il ne s'agit pas d'une fausse couche que vous auriez faite avant sa naissance, mais de quelque chose qui s'est produit du vivant de l'enfant. - Oui, bien sûr, quand elle avait dix mois, j'ai été de nouveau enceinte. J'ai fait une IVG. Or cela fait maintenant 6 mois que nous voudrions avoir un autre enfant et je ne peux pas. Cela m'ennuie beaucoup, mais je me demande si ce serait raisonnable avec une enfant muette, une enfant qui sera un problème toute la vie".

Je la rassure : "Je ne crois pas qu'elle sera muette toute sa vie ; votre enfant est en train de dire avec son mutisme : vous ne m'avez pas expliqué, ni papa, ni toi, pourquoi tu avais un enfant dans le ventre et pourquoi il est parti."

A ce moment, la petite m'a regardée et elle a tiré son père : "Viens papa, cette dame est une emmerdeuse"; alors qu'elle n'avait jamais parlé..."

 

 

 

A propos de l’importance de la parole pour l’enfant, voici quelques extraits tirés du livre de F. Dolto : « Les étapes majeures de l’enfance » :

« Il est indispensable d’expliquer à un jeune enfant ce qui lui arrive et ce qu’on fait qui le concerne. On dira : « il ne comprend pas la moitié de ce qu’on lui dit ». Mais non, il comprend tout. Et, ce qu’il ne comprend pas au moment où on le lui dit, il le comprend au moment où il le vit.

Tous les mots nous sont dits avant qu’on en sache le sens.

On ne caresse pas un enfant comme on caresse un chien. La mère n’est pas une guenon qui frotte son petit. La mère doit parler à son enfant, lui dire qui il est, lui chanter des chansons. Cela donne une autre dimension aux caresses elles-mêmes.

Il semblerait que l’enfant saisisse le sens de ce qu’on lui dit à un âge qui précède de loin celui de l’acquisition du langage… et il le saisit dans toutes les langues, pas spécialement dans celle de ses parents mais dans la langue de ceux qui l’aiment et s’intéressent à lui.

Tout se passe comme si il y avait une compréhension directe dès lors qu’il sent le respect et la considération qu’on lui porte, en lui parlant comme à un égal. Il ne s’agit pas de lui parler comme à un bébé. Beaucoup de personnes parlent aux enfants comme à des animaux domestiques, avec le même ton.

Il faut dire à un enfant tout ce qui le concerne. Par exemple, la mère doit lui parler de ce qu’elle a ressenti à sa naissance. Elle doit pouvoir lui avouer : « Tu sais,  j’ai été très déçue que tu sois une fille ou que tu sois un garçon ». Et, immédiatement, les conséquences de cette déception sont effacées, parce que ça a été dit.

Pour Dolto, l'enfant peut être psychanalysé très tôt en tant qu'individu. Elle soutient sa thèse Psychanalyse et pédiatrie en 1939. Elle y explique le rôle de l'affect (qui désigne un ensemble de mécanismes psychologiques qui influencent le comportement ; on l'oppose souvent à l'intellect) comme support de l'intelligence et porteur de l'expression des troubles. Elle y explique que la connaissance de cette maturation psychique est indispensable à la pédiatrie. Cette thèse soulève de vives réactions : elle est soit dénigrée avec force, soit profondément respectée, comme par Jean Rostand qui après l'avoir lue veut la rencontrer et lui déclare qu'il n'a jamais rien lu d'aussi intéressant depuis Freud. C'est chez lui qu'elle fera connaissance de son futur mari.

Quelles sont les influences qu’elle a reçues et ses engagements ?

Durant sa carrière, elle a beaucoup travaillé avec Jacques Lacan. Dès 1938, elle lit les complexes familiaux et suivra ensuite son enseignement à Sainte-Anne. Les deux psychanalystes étaient amis et se vouaient une grande estime réciproque. Si Dolto disait parfois « ne pas comprendre ce qu'il écrivait », il lui rétorquait « qu'elle n'avait pas besoin de le comprendre puisque qu'elle l'appliquait dans sa pratique », ce qui était plus qu'une politesse, puisque Lacan lui adressait ses cas les plus difficiles.

Elle a eu une grande influence, en même temps que Simone de Beauvoir, sur l’émergence du féminisme politique et l’évolution des mouvements féministes. Ceux-ci, aujourd'hui encore, font souvent référence à elle. Selon Dolto, le complexe d'Œdipe de la fille lui fait développer des qualités féminines, qu'elle peut utiliser dans la réussite sociale.

En 1977, elle est l'une des signataires de la première des deux Pétitions françaises contre la majorité sexuelle qui appellent à l’abrogation de plusieurs articles de la loi sur la majorité sexuelle et la dépénalisation de toutes relations consenties entre adultes et mineurs de moins de quinze ans (la majorité sexuelle en France).

De religion catholique, elle a été la première psychanalyste à avoir fait une conférence à Rome, à Saint-Louis des Français, sur le thème : « Vie spirituelle et psychanalyse ».

La Société française de psychanalyse est fondée dans son appartement (qui se situe rue Saint Jacques comme l'était la Société psychanalytique de Paris). Jacques Lacan sera désigné comme président.

Cette société sera dissoute en 1964 au profit de deux autres. Françoise Dolto participe activement à la création de l’École freudienne de Paris, dans laquelle Lacan joue un rôle plus central.

La médiatisation de Françoise Dolto a beaucoup contribué à la faire connaître :

Quand on lui a demandé de faire une émission de radio, elle refusa d'abord, mais finit par accepter. Elle déclara par la suite que ce fut la décision la plus difficile à prendre de sa vie[10].

De 1967 à 1969  Françoise Dolto répond, en direct et anonymement, aux auditeurs adultes et enfants d'Europe N°1 sous le nom de « Docteur X ». L'émission de radio connaît un excellent taux d’écoute, mais elle ne souhaite pas poursuivre cette expérience au-delà de 1969, n’appréciant guère le côté décousu de l’émission (interruptions publicitaires, etc…).

En 1976 elle accepte à nouveau une émission sur France Inter intitulée « Lorsque l'enfant paraît », à condition d’y répondre aux lettres des auditeurs, ce qui lui permet d’aller beaucoup plus en profondeur. C’est un immense succès, qui sera à l’origine de sa notoriété auprès du grand public français.

En 1977, devenue célèbre et entourée de disciples, Françoise Dolto est sollicitée par Gérard Sévérin, éditorialiste au journal la Vie, pour s'exprimer sur la religion. Elle propose alors une lecture dite « psychanalytique » des Évangiles qui la conduit à donner une signification spiritualiste à la question du désir. Par l'incarnation et la résurrection, par la crucifixion qui le faisait sortir d'un « placenta » et d'un monde utérin pour accéder à la vie éternelle, le Christ devient, selon elle, la métaphore même du désir guidant l'homme, de la naissance à la mort, vers une grande quête de son identité.

En 1978, à 70 ans, ce succès médiatique l’incite à prendre sa retraite de psychanalyste. Sa notoriété gêne la nature de son travail d'une manière incompatible avec son exigence éthique. Désormais, elle va se consacrer essentiellement à la prévention et à la formation : publications, conférences, émissions de radio ou de télévision.

La Maison Verte

En 1979 elle crée la Maison Verte à Paris avec cinq psychanalystes et éducateurs. C'est un lieu d'accueil et d'écoute pour les parents accompagnés de leurs jeunes enfants qui sont accueillis de la naissance à 3-4 ans. Le concept fait florès (près de dix mille enfants et parents y passent chaque année) et se développe dans différentes villes de France, avant d'essaimer à l'étranger et en France, sous d'autres noms (Maison Ouverte à Bruxelles, Maisonnée à Strasbourg) puisque "La Maison verte" et Françoise Dolto ont refusé de "franchiser" leur création.

Françoise Dolto souhaitait faire de la "Maison Verte" « un lieu de rencontre et de loisirs pour les tout-petits avec leurs parents. Pour une vie sociale dès la naissance, pour les parents parfois très isolés devant les difficultés quotidiennes qu’ils rencontrent avec leurs enfants. Ni une crèche ni une halte-garderie, ni un centre de soins, mais une maison où mères et pères, grands-parents, nourrices, promeneuses sont accueillis... et leurs petits y rencontrent des amis. »[12]]

Trois principes soutiennent l'accueil de l'enfant :

- la présence des parents ou d'un accompagnant avec l'enfant,

- l'anonymat, seul le prénom de l'enfant est demandé et inscrit,

- la participation financière demandée aux parents, qui est laissée à leur appréciation.

 

Ce projet, auquel elle sera très attachée jusqu'à la fin de sa vie, perdure aujourd'hui. Chaque "Maison verte" est autonome, organisée en association loi 1901 et souvent financée par des fonds publics (DDASS, PMI, caisses d'Allocations familiales, communes, régions, etc.).

 

 

 

 

 

Que faut-il penser aujourd’hui de l’héritage de Françoise Dolto ?

 

En 2008, le centenaire de Françoise Dolto a relancé la polémique sur son héritage. Les uns l'accusent d'avoir engendré le phénomène de «l'enfant roi», les autres la remercient d'avoir mis fin au «dressage» des petits.

Depuis quelques années, des voix s’élèvent en effet pour écorner l’icône. Les méthodes de Dolto seraient à l’origine de la crise d’autorité parentale. « Tout fout le camp », s’écrient les nostalgiques du bon vieux temps. Et « mamie Dolto » n’y serait pas étrangère. De l’avènement de l’enfant-roi à la démission parentale, elle aurait contribué au délitement de l’autorité familiale par ses prises de position trop permissives. Alors, vingt ans après sa mort, faut-il jeter Dolto avec l’eau du bain ? La pédiatre aurait-elle, à elle seule, mis en péril l’autorité dans la famille ? N’est-ce pas lui faire endosser une grande responsabilité que l’accuser d’être à l’origine du mal-être des parents d’aujourd’hui ? Ne faudrait-il pas plutôt réexpliciter avec pédagogie ses enseignements qui, à force de vulgarisation, ont fini par être mal interprétés ? De tout cela, les professionnels de l’enfance n’ont pas fini de débattre.

A la tête des pourfendeurs de Françoise Dolto, le psychothérapeute Didier Pleux vient de sortir un livre, « Génération Dolto » (éd. Odile Jacob), dans lequel il remet en cause avec vigueur les conseils « dépassés, bien souvent inadaptés, voire toxiques » de la pédiatre. « Dans le concert de louanges qui va accompagner le centenaire de sa naissance, je veux faire entendre une voix dissidente, explique le psychologue, initiateur du “Livre noir de la psychanalyse” qui fit couler beaucoup d’encre à sa sortie en 2005. Selon moi, le mode d’emploi éducatif édicté par Françoise Dolto n’est pas bon. Je conteste l’interprétation psychanalytique de l’éducation de l’enfant : avec Dolto, la résolution du complexe d’Oedipe est plus importante que l’interdit parental réel. Avec ce genre d’hypothèse, beaucoup de parents ne savent plus comment s’y prendre avec leurs enfants. Ils n’osent plus se montrer exigeants, ils ont peur d’être conflictuels avec eux. L’autorité, quand elle est utilisée, devient source de doute et de culpabilité. »

Questionner l’héritage de Françoise Dolto, c’est déterrer la hache de guerre entre partisans d’une approche psychanalytique de l’enfance et défenseurs des thérapies cognitives et comportementales (TCC), dont Didier Pleux est un ardent militant. Ces dernières visent à résoudre des problèmes spécifiques en travaillant sur des changements de comportements, contrairement à l’analyse freudienne qui s’appuie sur l’histoire du sujet et son inconscient.

Depuis la parution du « Livre noir de la psychanalyse » en 2005, les deux « écoles » se vouent une haine féroce. Les partisans des TCC, contestent l’efficacité du travail analytique et dénoncent « ces gardiens du temple, soucieux de leur position dominante à l’université, à l’hôpital et dans les médias ». Les autres, héritiers de Freud et de Lacan, accusant les TCC d’être « accordées à la montée en puissance des pratiques de contrôle social du début du XXIe siècle ».

 

La trêve n’est pas pour demain. Cependant, de nombreux professionnels de l’enfance la défendent avec beaucoup d’énergie :

D’après Claude Halmos, pour Françoise Dolto, l'écoute des tout-petits et de leurs souffrances n'est pas synonyme de laxisme. Le moment où la société a commencé à prendre en compte le psychisme des enfants est très récent : en France, la première chaire de psychiatrie infantile date de 1925. Auparavant, on considérait l'enfant comme un « pas encore fini ».

On peut reprendre les arguments à partir des grands principes de la pensée de Françoise Dolto :

 

  • «L'enfant est un sujet à part entière»
    Françoise Dolto a voulu mettre fin à l'idée selon laquelle le bébé n'était qu'«un tube digestif», sans conscience, ni inconscient. Pour elle, c’est «un sujet à part entière», comme l'adulte.

    Cette affirmation est encore mal interprétée aujourd'hui, comme l'indique Claude Halmos: «Les parents se disent : si je considère que mon enfant est un être à part entière dont la parole a une valeur, de quel droit puis-je lui interdire tel ou tel acte?», constate la psychanalyste. Avant de corriger: «Dolto, pourtant, le disait elle-même: tous les désirs sont légitimes, tous ne sont pas réalisables. C'est le fond de son enseignement.»

    Et de résumer: selon elle, l'enfant est «un être en construction, mais qui ne peut pas se développer correctement sans l'éducation des adultes - donc sans leur autorité».

 

  • Autre découverte de Françoise Dolto : «L'enfant est un être de langage»
    Pour elle, la parole est au cœur de l'éducation, et ce, dès la conception. Elle parlait au foetus encore dans le ventre de sa mère, puis au nourrisson. «Le bébé comprend tout, mais nous ne savons pas comment il comprend», expliquait-elle.

    La parole de l'adulte peut ainsi faire office d'«objet transitionnel», se substituant au doudou. Mieux vaut fonder son autorité sur la force d’une parole plutôt que sur des règles disciplinaires, disait-elle.

 

  • «Les parents doivent continuer à vivre leur vie d’adulte»

    Françoise Dolto invite les parents à ne pas faire de l’enfant l’être central de la famille. «Si des parents renoncent à leur propre trajectoire pour consacrer leur vie à leur enfant, ils l’encombrent. Au lieu de lui dégager la voie», commente Daniel Olivier, psychanalyste et président de l'association «Françoise Dolto, ici et maintenant».

    La psychanalyste insistait notamment sur l'importance du rôle du père dès les premiers jours. À travers lui, l'enfant comprend qu'il n'est pas tout pour sa mère, ce qui évite la fusion avec elle.

 

  • «L’adolescence = le complexe du homard»

    C’est une formule inventée par François Dolto pour représenter la crise d’adolescence. «L’enfant se défait de sa carapace, soudain étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié sur lui-même». Mais «ce qui va apparaître est le produit de ce qui a été semé chez l’enfant», avertit Dolto. Donc pas de panique, c’est que l’évolution va se faire de l’ado vers l’adulte.

 

  • «Il ne faut pas mentir aux enfants»
     
    Même si les parents doivent garder une vie privée et ne pas tout dire, il ne faut pas mentir aux enfants sur leur origine et leur sexualité, disait Dolto. Elle proposait aux parents de parler à l’enfant de tout ce qui le concerne, de «parler vrai», dès sa naissance, par exemple dans le cas d'une adoption.

 

  • «L'enfant a le droit de refuser d'aller voir son analyste»
     
    Dans le cadre de la psychothérapie, Françoise Dolto considérait que l'enfant avait autant de droits que l'adulte, notamment celui de refuser d'aller voir son analyste. Autre innovation de la psychanalyste: le paiement symbolique. De même que l'adulte paye sa consultation, elle demandait un paiement à l'enfant: un timbre, un caillou, un dessin. Non pas au nom de la pédagogie, mais pour le renvoyer à son désir réel de venir à la séance.

 

"Elle a apporté la fin du dressage pour aller vers l'éducation"

Que répondre à ceux qui accusent Dolto d’avoir fait le lit de la permissivité et du laxisme ? se demande Daniel Olivier, psychanalyste et président de l’association « Françoise Dolto, ici et maintenant ». Qu’ils n’ont rien compris à Dolto. La permissivité, c’est une négation du sens, alors que tout chez elle est une recherche de sens. Ce qu’elle a essentiellement apporté, c’est la fin du dressage pour aller vers l’éducation. Elle a énormément travaillé à ce passage-là, et il comprend un cadre, des règles et des interdits, dont le tout premier est l’inceste. Pour Dolto, le rôle des parents est fondamental. C’est à eux que revient la responsabilité de soutenir et de promouvoir des règles, en commençant par les respecter. Elle voit l’enfant comme un sujet en devenir. Mais c’est toujours l’adulte qui pose la loi, qu’il s’agisse des interdits fondamentaux ou de ceux du quotidien. Simplement, Dolto oppose l’autorité parentale à la toute puissance parentale. Ce n’est pas parce qu’on est parents qu’on est immédiatement légitimes. C’est la différence entre l’autorité et l’autoritaire. Et Dolto a promu l’autorité.

Il y a eu un avant et un après Dolto. De la maternité à la crèche ou la maternelle, elle a entraîné avec elle les métiers de la petite enfance. On ne s’adresse plus aux enfants comme avant. Ce qu’elle avançait il y a cinquante ans, et qui paraissait alors scandaleux ou absurde, est passé dans les mœurs. Si elle n’a pas souhaité faire école, son enseignement s’est pourtant diffusé auprès de tous les soignants et éducateurs de la petite enfance, notamment grâce au travail de pédagogie auquel elle se consacra personnellement à la fin de sa vie.

 Résumé de la discussion (Anne)

 

La discussion commence avec Michel qui rappelle que,lors de ses études de pédiatrie (dans les années 60), le bébé était toujours considéré comme un tube digestif, alors que la thèse de F.Dolto sur la prise en considération de l'enfant en tant que personne entière avait été soutenue en 1939. Il est évident que la médiatisation de F.Dolto n'existait pas encore à cette époque.

 

Paul s'étonne que dans l'exposé du travail de F.Dolto, il ne soit pas fait mention de la douleur chez l'enfant. Pas de réponse aux questions :

-         Pourquoi les enfants pleurent ?

-         Existe-t-il des enfants qui pleurent plus que d'autres et pourquoi ?

-         Y a-t-il un langage des pleurs chez l'enfant ?

Toutes ces questions semblent sans réponse chez F.Dolto.

 

Suit une longue discussion à propos de l'autorité parentale et des explications données à un enfant à propos de son comportement. Il a été reproché à F.Dolto d'avoir contribué à créer l'enfant-roi. En réalité, elle montre qu'il faut discuter avec un enfant, lui parler « vrai », lui faire comprendre toutes les situations. Au-dessus de tout cela « règne » l'autorité parentale. Mais les explications n'ont-elles pas de limites ? Un enfant ne peut-il pas résister à toutes les explications et faire ce qu'il veut ? (de nombreux exemples sont cités)

 

Dans l'étude de F.Dolto, il semble que la première règle à apprendre à un enfant soit de ne pas nuire aux autres. N'est-ce point en réalité : ne pas se nuire à soi-même ? Il faut lui apprendre le danger qu'il court en s'approchant d'une flamme, en descendant des marches...

 

Suit la contestation de certains points évoqués dans l'exposé :

-         Premier point: une femme qui oublie qu'elle est enceinte risque d'avoir un enfant psychotique ; n'est-ce pas un peu rapide ? et le refus de grossesse alors ?

-         Deuxième : dès sa conception l'enfant est en devenir : le droit alors à l'avortement ?

-         Troisième : l'enfant comprend toutes les langues ;  n'est-ce pas plutôt tous les langages ? 

 

La fin de la discussion tourne autour de l'opposition entre le dressage (trop d'autorité parentale, contestée par F.Dolto) et le début d'une éducation chez un enfant considéré comme un homme à part entière.

On évoque pour les mêmes raisons les différents types d'école qui veulent que les enfants découvrent eux-mêmes les  règles de leur comportement.

 

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10 juin 2010 4 10 /06 /juin /2010 14:31

CERCLE DES CHAMAILLEURS

 

Jeudi 8 avril 2010

 

Exposé à partir du livre « Zéro faute. L'orthographe, une passion française »
de François de Closets (2009)


Présentation par Anne

 

F.de Closets (né en 1933) : études de droit, puis journaliste et écrivain ; a écrit à L'Express, Le Nouvel Observateur, L'évènement du Jeudi...Nombreux livres dont un best-seller « Toujours plus »(1982) sur le néo-corporatisme rongeant la société, « Le divorce français » sur le fossé qui se creuse de plus en plus entre les élites françaises et le peuple, « La dernière liberté », plaidoyer pour la possibilité de décider de la fin de sa vie...et le dernier donc « Zéro faute ».

L'auteur dit avoir écrit ce livre car, durant sa scolarité, il a beaucoup souffert de ne pas être parfait en orthographe. Je n'ai pas eu ce problème mais j'ai eu de nombreux élèves qui en ont souffert et ce n'était pas la sempiternelle dictée réclamée continuellement par leurs parents qui changeait les choses.

Je me suis donc intéressée à ce livre qui, en faisant l'histoire de l'orthographe française, montrait toutes ses difficultés et suggérait prudemment que des réformes seraient sans doute bienvenues dans un monde où l'écrit, avec Internet, devient beaucoup plus important qu'on ne pourrait le croire.

A la fin de l'exposé, je ferai part d'un article de Libé du 18 février 2010 où un cercle de linguistes, écrivains... essaie aussi de réfléchir dans le même esprit : la simplification de l'orthographe actuelle.

 

Dans l'introduction, l'auteur nous dit que l'orthographe a été conçue par des érudits au 15°siècle, une orthographe élitiste à vocation populaire. La langue française est devenue le ciment de l'identité nationale.

Le 19° s. a figé la langue qui aurait dû évoluer vers plus de simplicité. On peut avoir l'espoir que, sans aller aux caricatures des SMS, on pourra se servir de « prothèses correctrices » et que ce ne seront pas seulement des prothèses. Mais voyons ce que signifie cette introduction.

 

F.de Closets part du fait que les Français  sont insensibles à la disparition de certains temps (passé simple, futur), de certaines formes (le style interrogatif parlé remplace de plus en plus le style interrogatif écrit), à l'invasion de la langue anglaise, mais ils vénèrent l'orthographe française. Pour les puristes, la vision de la langue française est focalisée sur l'orthographe. En 1990 la réforme de l'orthographe a bouleversé l’opinion publique. On a pu trouver des gens de lettres intégristes de l'orthographe. Alors que des érudits ou spécialistes étaient tenus pour quantité négligeable. On vénère l'orthographe et on la ressent en même temps comme une véritable dictature (en dehors des problèmes personnels de l'auteur, la dictée a souvent été un facteur d'élimination, dans un examen comme le certificat d'études, par exemple. Parmi les grandes difficultés on peut signaler les mots composés (pluriels et tirets) redoublement ou non  de consonnes (rat, rate ; chat, chatte), les accords du participe passé des verbes pronominaux....Beaucoup de formations de mots manquent de cohérence et l'on ne peut pas se fier à leur étymologie pour leur orthographe (numéro, numéroter ; nu, nudité).Bernard Pivot lui-même a été étonné qu'on puisse se passionner pour des dictées à la télévision (1° dictée en 93 après celles de la radio). Ces dictées montraient bien que très peu de gens arrivaient à un parcours sans faute ; 2 groupes se formaient alors : les passionnés par les bizarreries de la langue et ceux qui les rejetaient (chariot, charrette..). La faute est considérée comme un poids et au 19°siècle, l'administration fait de la dictée le sésame de l'entrée dans la fonction publique.

 

Dans l'histoire de l'orthographe, les scribes ont joué un grand rôle ; comme le français était déficient en consonnes, voyelles et semi-voyelles, par rapport au latin, ils ont ajouté des lettres au lieu d'accents pour la prononciation (desjeuner, meschant). Après le moyen-âge les imprimeurs vont jouer un rôle important pour la ponctuation et l'accentuation. En 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts ordonne tous les actes juridiques et administratifs en langue française. Mais il faut tout revoir à l'écrit car il y a un partage entre les partisans des scribes et les simplifications emmenées par les imprimeurs. Ronsard s'attaque à l'orthographe en figure de proue des novateurs. Deux dictionnaires existent à la même époque : celui qui respecte l'écriture des scribes et celui des  novateurs.

En 1634 l'Académie française est créée avec pour mission de composer un Dictionnaire, une Grammaire, une Rhétorique et une Poétique. Vaugelas est à la tête du groupe et meurt alors qu'ils en sont à la lettre h. Il a fallu 60 ans pour un piètre résultat, une opposition entre tradition et nouveauté et la nécessité de nouvelles réformes ; dans ce dictionnaire il y a tant d'erreurs que cette édition doit être pilonnée et réimprimée.  Au sein de la Compagnie, les écrivains comme Corneille poussent à la rénovation mais les corps constitués sont favorables à la tradition. De plus les écrivains assistent rarement aux séances du dictionnaire. Les scribes semblent alors l'emporter sur les écrivains avec une écriture savante, voire pédante, contre un écrit populaire. Mais Corneille obtiendra gain de cause pour simplifier certains mots (p.145) L'ancienne orthographe a résisté au Grand Siècle, elle va succomber à celui des Lumières.

 

Dans l'édition du dictionnaire de1740, 36% des mots sont modifiés, le changement est énorme mais bien accepté. Voltaire se soucie peu de discipline orthographique mais se démène beaucoup pour remplacer les formes en oi par ai (P.148). Le s muet est remplacé par un ^. Cet accent circonflexe fait poser d'ailleurs de nombreux problèmes (lire p.150) : l'esthétique ou l'incohérence de cet accent.

En 1782 un concours est lancé par l'académie de Berlin sur la langue française qui, à la fin de l'ancien régime, apparaît aussi difficile que prestigieuse, la langue de la cour et non du peuple.

Ce concours à l'échelle européenne a donné son 1° prix à A. Rivarol (p.159) qui, par sa déclaration, montre toutes les difficultés de cette langue.

 

La révolution n'a que faire de l'orthographe mais finira par s'y intéresser. A cette époque la France a encore un multilinguisme mais veut que le français soit le ciment de la France nouvelle. L'abbé Grégoire se voit confier une mission sur les patois qui aboutit à la pluralité linguistique qui est facteur d'asservissement ; l'unité linguistique est  facteur, elle, de libération ( p.162). On peut lire les

phrases de Hagège et A.Rey sur ce rapport. Tous les Français doivent parler, lire, écrire le français. Condorcet, Lakanal trouvent exaltant l'enseignement du français. La 1ère ébauche d'une instruction publique  date de cette période. La Convention crée les premières écoles primaires d'état. En l'an III les écoles normales pour la formation des maîtres voient le jour.

Sur le plan linguistique la Révolution est peu novatrice. L'Académie française a été supprimée mais, bien que dissoute, fait publier un nouveau dictionnaire : on y trouve des suppressions de consonnes, de y et de h.

Avec Napoléon qui, lui-même, massacrait l'orthographe, le français devient un instrument de pouvoir, sous la coupe d'un nouveau maître, l'Etat. C'est la monarchie de juillet qui met en place le nouvel ordre orthographique qui nous régit encore. En 1832 le gouvernement Guizot décide que tous les fonctionnaires devront savoir écrire le français sans faute .En 1833 l'enseignement est obligatoire et toute commune de plus de 500 h doit avoir son école de garçons et entretenir un instituteur .En 1882 J.Ferry les rend gratuites, laïques et obligatoires. L'orthographe se trouve alors au cœur du nouvel enseignement (p.166) Cette matière devient une discipline civique.  L'orthographe a alors un poids énorme dans la formation des maîtres (p.167 élimination des instits). La dictée du certificat d'études est fatidique.

 

Mais comment enseigner l'orthographe ?  Les manuels alliant orthographe et grammaire  sont très nombreux et sont autant de méthodes orthographiques. L'Académie française ne modifie que très peu pour les nouveaux dictionnaires. Elle réintroduit même des h et y supprimés. Tout au long du 19° siècle tout un peuple apprend à écrire et il est très difficile de critiquer l'orthographe.

En 1851 Mérimée distrait la cour avec sa fameuse dictée (p.171). En même temps un imprimeur, Ambroise Firmin-Didot, propose de nouvelles simplifications et l'Académie fait de petits ajustements (p.172). La querelle de l'orthographe refait surface sous la III république avec la croisade perdue de Ferdinand Buisson. F.Buisson (p.173) va livrer une guerre de 15 ans pour remettre l'orthographe à sa place (voir p.173). Entre  1879 et1896  il est directeur de l'enseignement primaire aux côtés de J.Ferry. Ferry  avait dénoncé l'abus de dictée, Buisson entend y mettre fin. Il essaie de minimiser le temps passé à l'enseignement de la dictée en valorisant la rédaction, la lecture. Il échoue.

Voir p.175 de même que la circulaire d'un des ministres intitulée : Circulaire ayant pour objet d'interdire l'abus des exigences  grammaticales dans les dictées.

En 1891 une pétition demandant la simplification de l'orthographe est  signée par 7000 profs de l'Université et la bataille se déplace à l'Académie française. Une mission est confiée dans ce sens à un proche de Buisson, Octave Gréard. Il propose des allègements (p.177) mais la réaction du duc d'Aumale se déchaîne et l'Académie annule son vote précédent.   Pendant un siècle elle fera obstacle à tout changement. Les réformateurs avec le linguiste Ferdinand Brunot, essaieront de remuer l'opinion et la presse (p.180). Mais les conservateurs s'uniront à nouveau (p.181). La presse va suivre les conservateurs et l'Académie aussi. A la fin du 19°siècle les réformateurs ont pu changer peu de choses. D'autres vont suivre : Aristide Belais, agrégé de grammaire, propose une réforme soutenue discrètement par de Gaulle et travaille entre 1960 et 1965 : 140 pages envisagent de modifier 8840 mots (p.187). De nouveau, bronca contre la  réforme avec  le Figaro, G.Pompidou (p187). Un enseignant, René Thimonnier, propose un simple émondage de petites difficultés, des petites rectifications parfois intégrées par l'Académie française.

 

En 1974 René Haby revient à l'idée de tolérance, mais le corps enseignant ne suit pas ses conseils.

En 1980 les enseignants commencent à trouver que l'orthographe est très lourde (dossier de L'école libératrice, hebdomadaire d'un syndicat des instits). Beaucoup d'instits aimeraient réformer l'orthographe mais ils se heurtent à la presse, aux gens de lettres. Le ministre de l'éducation nationale fait alors savoir que la réforme ne sera pas appliquée. Un questionnaire de la revue Lire montre alors l'état de l'opinion (p.198) par rapport aux linguistes méconnus ou oubliés.

 

Mais ceux-ci vont apparaître avec le projet d'un dictionnaire « trésor de la langue française » : tout le savoir accumulé sur notre langue, son histoire, l'étymologie des mots de 1971 à 1994.

Il peut être consulté sur Internet (p.202). En 1980 paraît une tribune du Monde « Manifeste des 10 » affirmant la nécessité de simplifier l'orthographe (p.204 parmi eux C.Hagège).  La réforme, que soutiendra M. Rocard, veut corriger certains illogismes ; un linguiste, Pierre Encrevé nommé dans le conseil supérieur de la langue française (p.211) propose d'éliminer les traits d'union, le pluriel de certains mots composés, l'accent circonflexe, les accords des verbes pronominaux...C'est un travail très bien préparé où l'on propose des variantes. L'Académie française et de nombreux puristes écoutent. La presse informe d'abord et puis attaque (p.217) ainsi que plusieurs politiques et écrivains (p.218). Les vestes se retournent et en particulier les habits verts. Parmi les fidèles : C. :Hagège, J.Julliard ; B.Pivot recule. La réforme est enterrée pendant une décennie, par contre le Grévisse introduit les changements ainsi que les pays de la francophonie. En France les dictionnaires vont introduire progressivement les modifications et les correcteurs automatiques aussi.

 

Si l'on  examine l'Europe, le problème de l'orthographe est la chose la mieux partagée. En Angleterre, les graphies sont irrégulières et aberrantes (le son et l'orthographe sont très différents). Au 18° s  B.Franklin avait déjà proposé une réforme qui avait échoué (voir p.240). Au 20ème siècle, quelques efforts mais les Anglais placent plus d'importance dans la prononciation que dans la graphie. Les Américains sont plus tolérants pour les changements.

En Allemagne, c'est une véritable guerre .Le dictionnaire Duden  a tenté une sorte d'unification de 1871 à 1901. Dans les années 50 un comité regroupant les ministres de la culture des Länder, lance une réforme provoquant la colère (T.Mann, Hesse...). De nombreuses erreurs se trouvent dans les dictionnaires, l'opinion est défavorable ; entre 98 et 99  luttes entre les Sages et le Parlement. Très grandes difficultés pour l'application, exemple du  ß.

L'Italie et l'Espagne ont une langue très proche du latin et peu de problèmes.

 

Revenons dans la France actuelle : la baisse de l'orthographe est constatée (expérience de dictée commune à l'entrée en seconde), elle est accompagnée d'une peur de la baisse du niveau (p.260). En 1987 une amélioration avait été constatée. Les Français sont touchés, même les élèves de grandes écoles, les gens dans les entreprises. Une montée de la dysorthographie est constatée par les profs de français qui ferment les yeux. La dictée devient un exercice passif et inutile et il est difficile de faire apprendre par cœur des listes de mots. On en arrive à un enseignement à 2 vitesses.

Au 21èmesiècle internet, les SMS reposent sur l'écrit. Les SMS  font une caricature de l'écrit mais sur internet il s’agit d'une véritable langue. Des correcteurs d'orthographe existent sur les ordinateurs mais ils sont loin d'être parfaits, surtout si on les compare aux calculatrices en math.

Il faudrait une connexion entre l'ordinateur et l'enseignement de l'orthographe, connexion qui n'a pas encore été réalisée.

 

L'article de Libé du 18.2.2010 montre les efforts d'une association, l'EROFA qui travaille sur les simplifications qui pourraient être apportées à l'orthographe. De toutes petites mesures sont envisagées comme le problème des doubles consonnes (antenne, arène, aquarelle), les pluriels  en s ou x avec encore des exceptions. Les rectifications de l'Académie peinent à s'imposer et ils essaient alors de réfléchir à ce qui peut être modifié. Cette association est née à partir de gens réunis au siège de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (EROFA : étude pour la rationalité de la langue française erofa.free.fr.).

 

 

Résumé de la discussion (Marie-Anne) :

 

Tous les membres du groupe semblent d’accord avec François de Closets concernant les incohérences de la langue française et en particulier de l’orthographe et la nécessité de réformes dans ce domaine.

Les tentatives de réforme sont anciennes et quelques-unes ont déjà abouti à des simplifications mais, dans l’ensemble, elles restent timides et les opposants à toute réforme supplémentaire sont encore nombreux.

Un membre du groupe estime que ce sont les difficultés de la langue française qui expliquent le succès de l’anglais et son usage largement prépondérant comme la langue internationale par excellence car elle est plus simple à pratiquer au moins dans sa forme basique (« basic english »). D’autres membres du groupe contestent cette explication et pensent que la domination de l’anglais est dûe d’abord à l’impérialisme du Royaume-Uni et aujourd’hui des États-Unis comme à d’autres époques et partiellement aujourd’hui de la France.

Plusieurs se déclarent gênés à la lecture d’un texte en français quand celui-ci contient beaucoup de fautes, ce qui aboutit à une dévalorisation du contenu. C’est d’ailleurs l’opinion de nombreux correcteurs des copies de candidats à des examens ou à des concours qui recalent ceux qui font trop de fautes.

Au sujet des fautes, il faut distinguer celles qui concernent l’orthographe des mots (avec toutes les incohérences et exceptions qui ont été mentionnées par Anne) et celles qui concernent la grammaire qui, en principe, est soumise à des règles ; celles-ci ne sont cependant pas faciles à apprendre, tout au moins certaines d’entre elles. Les fautes de grammaire peuvent être considérées comme plus « graves » que les fautes d’orthographe des mots.

La question de l’enseignement a été soulevée : peut-on enseigner l’orthographe ?

-         beaucoup d’enseignants estiment que non et condamnent par ailleurs l’usage abusif de la dictée qu’ils remplacent par les rédactions de façon à éviter que la forme prenne le dessus sur le fond. Les difficultés de l’orthographe du français seraient d’ailleurs un frein à la création littéraire.

-         le fait de lire beaucoup ne semble pas améliorer les capacités orthographiques et grammaticales des lecteurs. Certaines personnes sont plus capables que d’autres de « photographier » mentalement les mots et les conjugaisons.

-         certains qui faisaient beaucoup de fautes depuis leur enfance et pendant leur scolarité peuvent cesser d’en faire à un moment de leur vie suite à un évènement (cas d’un ami rapporté par des membres du groupe).

L’usage de l’ordinateur conduit la plupart des utilisateurs à écrire davantage en raison de l’envoi de courriels à la place des appels et conversations téléphoniques. Le cas des SMS est différent car le vocabulaire utilisé, plus ou moins codifié et à dominance phonétique, ne semble pas en mesure d’améliorer l’orthographe des utilisateurs, bien au contraire !

Malgré le sous-titre du livre de F.de Closets « L’orthographe, une passion française », la passion concernant l’orthographe ne semble cependant pas spécifique du français et se rencontre dans d’autres pays, comme par exemple en Allemagne.

 

 

 

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10 juin 2010 4 10 /06 /juin /2010 14:23

CERCLE DES CHAMAILLEURS

 

 

« PEUT-ON PARLER DE RACES HUMAINES ? »

 

18 MARS 2010

 

Présentation par Paul

 

Pour moi, les choses étaient simples, simplistes peut-être. L’homme est un animal. S’il y a des races chez les chiens, il y a des races chez l’homme. Ou alors, l’homme a été fait à l’image de Dieu et il n’y a plus rien à dire.

 

D’abord, définir les mots : « Deux animaux appartiennent à la même espèce s’ils peuvent se croiser entre eux et qu’il en résulte une progéniture elle-même féconde ». L’humanité est donc constituée d’une seule espèce.

 

Dans cette espèce, y-a-t-il des races ? Deux points de vue :

-          Pour les religions du Livre, tous les hommes soient issus d’Adam et Ève, reconnaissance de la même espèce, avec, pour certains, des races différentes et inégales.

-          La majorité des scientifiques reconnaissent aussi une seule origine à l’homme, située dans l’Est africain et une seule espèce et « les différences entre individus sont telles qu’elles ne permettent absolument pas un classement par « race ». (Albert Jacquard, Tous pareils, tous différents Paris Nathan 1991).

Pour les antiracistes, il n’y a pas de races donc le racisme est absurde. La question est réglée.

L’affirmation des scientifiques repose sur le fait que deux humains pris au hasard ont un ADN identique à 99,9%, aujourd’hui Bertrand Jordan dit 94,5 à 94,6%. Il remarque qu’un taux de divergence de 0,1% correspond à 3 millions de différences réparties sur 3 milliards de bases que contient notre ADN. Ce n’est pas rien.

 

J’ai toujours pensé qu’il y avait des races et que l’existence de races n’entrainait pas obligatoirement une hiérarchie entre elles. C’est ce que dit Jean Pouillon, de « Race et histoire » de Lévi-Strauss : « L’erreur est de croire que pour nier le privilège, il faut considérer comme négligeable la différence à laquelle on l’attache indument et affirmer une essence humaine toujours égale à elle-même ».

 

Pour Bertrand Jordan, la race « évidente » qui s’appuie sur des signes physiques, est une construction culturelle qui prétend avoir un fondement biologique et justifie la domination d’une partie de la population sur une autre. C’est inacceptable, surtout cela a servi à justifier les pires atrocités. Ce n’est cependant pas un argument scientifique même si c’est sous tendu par une déterminante expérience historique : la Shoah.

 

Races et racisme

Dans l’Antiquité, les types humains différents ne sont pas fondés sur l’apparence mais sur la naissance ou la guerre.
Race à propos des humains apparaît pour la première fois en 1684 chez un médecin montpelliérain François Bernier. Le Code noir (1685) ne parle pas de race mais « d’esclaves nègres » et interdit le mariage de Blancs et Noirs.
Le racisme moderne date du XVIIIème siècle, des Lumières, et surtout de l’instauration de la première démocratie aux Amériques.
Gobineau (1816-1882) examine l’origine de l’humanité et des races puis démontre leur inégalité en force, en beauté et surtout en intelligence. Bien sûr, les Blancs sont plus beaux, plus intelligents, plus forts… et parmi les Blancs, bien sûr les Français, au point même que parmi les juifs, les juifs européens et français.
Cet ethnocentrisme est contesté par Lévi-Strauss ;
« La civilisation occidentale… s’est révélée comme le foyer d’une révolution industrielle dont, par son ampleur, son universalité et l’importance de ses conséquences, la révolution néolithique seule avait offert un tel équivalent.
La révolution néolithique doit inspirer quelque modestie quant à la prééminence d’une race, d’une région ou d’un pays. La révolution industrielle est née en Europe occidentale, puis États-Unis et Japon demain sans doute elle surgira ailleurs ; d’un demi-siècle à l’autre, elle brille d’un feu plus ou moins vif dans tel ou tel de ses centres. Que deviennent à l’échelle des millénaires, les questions de priorité dont nous tirons tant vanité ?

A mille ou deux mille ans près, la révolution néolithique s’est déclenchée simultanément dans le bassin égéen, l’Égypte, le Proche-Orient, la vallée de l’Indus et la Chine. La simultanéité d’apparition des mêmes bouleversements technologiques, suivis de prés par des bouleversements sociaux, sur des territoires aussi vastes et dans des régions aussi écartées montre bien qu’elle n’a pas dépendu du génie d’une race ou d’une culture mais de conditions si générales qu’elles se situent en dehors de la conscience des hommes »
Francis Galton (1822-1911) invente l’eugénisme. La qualité génétique des sociétés occidentales menacée par l’importante fécondité des classes inférieures, il faut donc améliorer le patrimoine héréditaire des nations, en décourageant la reproduction des pauvres. Des pays démocratiques S, N, Dk, Fl et États-Unis ont eu recours à la stérilisation de personnes dont le patrimoine génétique était considéré comme inférieur.

L’inégalité des races, même après l’abolition de l’esclavage, sert à justifier la colonisation et la mission civilisatrice des nations européennes.

Ernst Haeckel, 1874, met le Noir au sein des anthropoïdes avec le chimpanzé, l’orang-outang et le gorille.
Pour le Club de l’Horloge, la race est une réalité biologique avec inégalité et hiérarchie naturelles. Elle est « une population naturelle dotée de caractères héréditaires, donc de gènes, communs ». C’est vrai pour l’animal mais non pour un animal social comme l’homme chez lequel la culture a un rôle fondamental.

Pour Jean-Luc Bonniol, la société étasunienne est racialement structurée depuis la traite par suite d’une coïncidence historique (esclaves = Noirs) devenue une idéologie (Noirs = esclaves). Ceci a structuré la société esclavagiste et post esclavagiste. Dès les premiers recensements la race est enregistrée.

En 1920, la « one drop rule » fait de toute personne ayant une goutte de sang noir une personne noire. En 1970, le choix s’élargit : Blanc, Noir, Amérindien, Japonais, Chinois, Philippin, Hawaïen, Coréen ou autres.
En 2000 et 2010, on peut se déclarer de plusieurs races : c’est le cas de 3% des personnes en 2000.

 

Il n’y a pas de races humaines pour les biologistes, la diversité génétique au sein d’un groupe humain est généralement plus grande que la divergence moyenne entre populations différentes. Ceci est dû, notamment, à l’apparition récente (200 000 ans) de l’espèce humaine, Homo sapiens sapiens.

Le dernier ancêtre commun aux hommes et aux singes date de 6 à 7 millions d’années. Les grands singes ont abouti à l’orang-outang, au chimpanzé et au bonobo. Ces deux espèces sont si proches de l’homme que certains proposent de les rattacher au genre Homo et non au genre Pan (singes).

 

L’homo sapiens sapiens parti de l’Afrique de l’Est, il y a 50 à 60 000 ans ; est un homme très proche génétiquement et morphologiquement de l’homme moderne. Les différences constatées aujourd’hui se sont installées en un temps court : 100 000 ans par plusieurs mécanismes : effet fondateur, dérive génétique et sélection

Ceux qui se séparent du groupe primitif emportent un échantillon génétique, pris au hasard. Un caractère rare dans la tribu d’origine peut devenir prépondérant au sein de ce groupe. C’est l’effet « fondateur ». D’autant pus important que la population d’origine est hétérogène et le groupe fondateur restreint.
Si une mutation apparaît chez un de ces migrants, elle se retrouve dans une fraction importante des descendants : c’est la « dérive génétique ».

Par exemple, la couleur de la peau due à la mélanine : un des gènes impliqués est trouvé chez 90% des Africains alors qu’un gène différent se retrouve chez 98% des Européens. Une telle spécificité est rare. La peau brune protège des effets du soleil, notamment du cancer, la peau blanche fabrique de la vitamine D contre le rachitisme. Nos ancêtres viennent d’Afrique, ils étaient noirs. Ce sont les Européens que la sélection a fait blanchir.

La tolérance au lactose : en l’Europe, surtout du Nord et aux États-Unis population majoritairement venue d’Europe du Nord, les populations conservent à l’âge adulte une lactase fonctionnelle et peuvent digérer le lait. Par manque de lactase, en Afrique la grande majorité des adultes ne tolère pas le lait.

Dans bien des groupes primitifs, le chef s’attribue les meilleures femelles et sa progéniture a plus de chances de survivre. Toute société a ses critères qui peuvent avoir en quelques générations, par sélection sexuelle, une influence sur l’assortiment de gènes, augmenter les uns, diminuer les autres. Cela joue surtout sur des critères d’apparence, l’aspect des humains est plus variable que le patrimoine génétique, très homogène.

Rien n’autorise cependant à dire que les gènes varient d’un groupe à l’autre seulement pour des différences superficielles.

 

Ce processus en se prolongeant aurait pu faire apparaître des races humaines et, beaucoup plus tard, des espèces différentes. Mais le temps écoulé est trop court.

 

Lignée maternelle et paternelle

Il est possible de reconstituer la lignée maternelle par l’ADN des mitochondries qui viennent exclusivement de la mère et la lignée paternelle par le chromosome Y.

Une étude individuelle peut préciser l’origine d’une personne et dire si elle a des ancêtres principalement Européens, Africains, Asiatiques, lui trouver, par exemple, une ascendance asiatique avec une contribution européenne de 20% environ. On peut ainsi répartir les personnes en 5 ou 6 grandes catégories bien que la diversité au sein de chacun de ces groupes soit nettement plus élevée que celle qui les sépare. Tout ceci peut renforcer la croyance en un fondement biologique de l’idée vulgaire de race mais les analyses mettent en évidence les ascendances mixtes et montrent que « ces races » ne sont pas des entités étanches et séparées. Contre l’idée de race pure, nous sommes tous des « métis ».

Ces catégories humaines,  assez floues, ne permettent pas de dire que « l’humanité peut être divisée en races ». Et encore moins que ces « races » sont inégales.

En 1952, Claude Lévi-Strauss disait déjà: « Rien dans l’état actuel de la science ne permet d’affirmer la supériorité ou l’infériorité intellectuelle d’une race par rapport à une autre » (Races et Histoire).

 

Remarque : récemment (CI 11-17/03/10) des test ADN ont montré que les Lembas qui, selon leur tradition, ont des ancêtres juifs qui ont fui la Terre promise il y a 2500 ans, ont des origines partiellement sémites.

Dans un article (CI 04-10/03/10), « Les Basques ne sont pas ce qu’ils croient être… le génome des Basques ne diffère pas de celui des autres populations espagnoles. Les recherches sur 144 marqueurs génétiques présents chez des Français, des Espagnols, des Nord-Africains, des Basques espagnols et des Basques français n’ont pas montré de différences notables. Les Basques espagnols ressemblent plus aux Espagnols des autres régions qu’aux Basques français ».

Races et maladies - Les hommes sont, biologiquement, différents mais pas égaux. C’est évident pour les maladies. Il existe une gradation qui va du déterminisme génétique le plus strict de certaines maladies à l’influence la plus tenue. Certaines maladies (monogéniques), dépendent d’un seul gène comme l’hémophilie ou la mucoviscidose.

Quelques fois, elles sont plus fréquentes dans certaines populations comme l’hémochromatose liée à un gène du chromosome 6. Seuls les homozygotes porteurs des deux gènes mutés sont handicapés. Cette mutation est probablement apparue, il y a 60 à 70 générations en Scandinavie. Les Vikings l’ont répandue sur les cotes nord de l’Europe et Bretons et Vendéens l’ont portée au Québec (10% de porteurs). La Maladie de Tay-Sachs (grave retard mental, paralysie progressive, cécité, décès précoce) est trouvée presque exclusivement chez les juifs ashkénazes, 1 cas pour 3 000 naissances et son lien avec un gène du chromosome 15 a été identifié.
Les choses sont en général plus complexes, affections multigéniques, la probabilité d’avoir une affection peut être multipliée par 3 à 10 : Alzheimer ou cancer de l’intestin. Il est probable qu’il existe des différences génétiques pouvant influer sur le psychisme, le comportement ou les aptitudes. Ces différences impliquent certainement un grand nombre de gènes.

HTA, K de la prostate, du poumon sont plus fréquents aux États-Unis chez Noirs que chez Blancs qui sont plus atteints par cancer de la peau et ostéoporose. Le K de la prostate plus fréquent chez les Noirs peut orienter le dépistage (cf Le Monde).


Le risque thromboembolique veineux est 3 à 6 fois plus élevé chez les porteurs du facteur de coagulation du type « V Leiden », mutation absente chez les Africains et les Asiatiques, 5% chez les Européens.
La délétion du gène codant pour une protéine de surface des GB contre le VIH est quasiment spécifique des personnes d’origine européenne, complètement absente chez Africains et Asiatiques. Les homozygotes sont totalement résistants à l’infection.

Maladie ethnique aux États-Unis ? L’incidence plus élevée de certaines maladies chez les Afro-américains peut faciliter la mise sur pied d’un essai car l’incidence plus élevée donne des résultats plus rapides. Cette démarche a l’inconvénient de paraître donner une justification scientifique aux distinctions raciales.

L’insuffisance cardiaque atteint bien plus souvent les Noirs que les Blancs avec un taux double de mortalité après 65 ans. Des études sur un médicament ont noté un léger mieux chez les insuffisants noirs. D’où dépôt d’un brevet ethnique. Le brevet généraliste, tombé dans le domaine public, le brevet noir est toujours valable et une certaine vogue des médicaments ethniques. A partir de là, retombées idéologiques et financières. La commercialisation de médicaments, avec l’aval d’une autorité officielle, la FDA, réservés aux Noirs suggère fortement que les races existent.

 

Rien ne prouve que les différences observées dans l’état de santé des communautés aux États-Unis soient génétiques. Tout indique que le social…

 

Où je retrouve mes chiens, chez lesquels existe indubitablement des races, « ensemble d’individus ayant une part importante de leurs gènes en commun et qui peut être distingué des autres races d’après ces gènes ». Le chien, premier animal domestiqué par l’homme (15 000 ans), l’a suivi et s’est répandu à la surface de la terre : 350 races dont la pureté jalousement surveillée.
Le nombre de différences à l’intérieur de l’espèce, 1 pour 1000 bases, est proche de celui de l’homme, ces différences existent essentiellement entre les races qui sont très homogènes. L’analyse de 2 ou 3 marqueurs d’ADN permet de déterminer son appartenance avec une fiabilité supérieure à 99%.
Cette forte spécificité des races canines est due à la sélection qui repose sur un élément morphologique ou sur un comportement. Deux ans séparent la conception d’un chien de sa maturité ce qui veut dire 50 générations en un siècle, contre 3 ou 4 pour les humains (10 000 ans pour le chien =
100 000
ans pour l’homme).
Devant cette multiplicité de races, peut-on dire qu’un labrador est supérieur à un épagneul ? Cela dépend pour quoi faire. De même, il est possible qu’un humain soit mieux adapté qu’un autre à une situation et moins adapté ailleurs.

Il est intéressant de noter que si Bertrand Jordan dit que chez l’homme la diversité est plus importante au niveau de la « carrosserie » qu’au niveau du « moteur », il ne dit jamais que c’est la même chose chez l’animal ou que la carrosserie permet de différencier des races animales et qu’elle peut être liée à la différence des moteurs. On fait la différence entre un labrador et un berger allemand à la carrosserie et on en déduit que le moteur, lié à la carrosserie, est différent.

 

Races et aptitudes.
Le rôle prépondérant joué par la culture chez l’homme rend difficile de démêler dans les performances ce qui découle de l’ADN ou du milieu.

Les marathoniens de la Rift valley province…

Il n’est pas exclu que des facteurs génétiques soient en cause, notamment dans les courses d’endurance. Les records mondiaux, du 1 000 mètres au marathon, sont détenus par des athlètes originaires de l’Afrique de l’Es, natifs d’une région de la Rift valley province et appartenant à la même tribu. Leur métabolisme se caractérise par une accumulation lente du lactate à l’effort.

Les sprinters de l’Afrique de l’Ouest dominent les distances du 100 au 400 mètres, ils ont des niveaux élevés d’ enzymes qui favorisent le fonctionnement du muscle en l’absence d’oxygène.

Ces caractéristiques sont elles innées ou acquises ? Les études génétiques n’ont pas, pour l’instant, donné des résultats probants.

Il est vraisemblable qu’on finira par trouver des éléments génétiques contribuant, notamment dans le cas des coureurs kényans…

 

 

Les vrais et faux jumeaux

Autisme : la concordance entre vrais jumeaux (probabilité que le second soit si le premier est) est de 60 à 90% entre vrais et de 10% entre faux. Composante génétique aussi dans schizophrénie et psychose maniacodépressive. Mais impossible pour ces maladies de définir un gène responsable de l’affection.

Les études de jumeaux ont montré que les tendances de personnalité (extraversion, anxiété…) étaient dans une certaine mesure héréditaires, que le rôle de l’histoire personnelle était sans doute moins fort que précédemment admis.

La catégorie ne défini pas la personne

Il est possible, sans doute probable, que quelques centaines de gènes prépondérants au sein d’une population la distinguent des autres. Que cela induise des variations dans les aptitudes de ce groupe, en moyenne, par rapport aux autres. A supposer qu’elle puisse un jour être démontrés sans ambigüité, une telle différence ne s’appliquerait en tout état de cause qu’à la moyenne du groupe, non à chacun de ses membres, pris individuellement.

En clair, cela veut die que les hommes sont en moyenne plus grand que les femmes mais qu’un homme pris individuellement est plus grand que les femmes.

Que dit Bertrand Jordan

1)     Les races humaines au sens strict n’ont pas d’existence biologique : l’appartenance de chaque individu à une race, en fonction d’éléments physiques aisément identifiables et lui attribuant des attitudes et des comportements spécifiques et héréditaires, n’est pas tenable au vu de l’analyse de nos génomes.

2)     L’ADN permet de définir des groupes d’ascendance aux limites floues. La variabilité à l‘intérieur d’un groupe est plus grande que la divergence moyenne d’un groupe à l’autre. Une étude peut dire l’appartenance d’une personne à ces ensembles qui correspondent aux grandes catégories géographiques : Afrique, Asie, Europe.

3)     Il existe des écarts entre ces groupes quant à l’incidence de certaines maladies dont quelques unes présentent une part génétique indiscutable.

4)     Il est concevable que certaines aptitudes « innées » varient en fonction du groupe d’ascendance mais n’ont pas été démontrées jusqu’ici.

 

Au niveau individuel, les êtres humains diffèrent les uns des autres, inégaux face à la maladie et, probablement, quant à certaines aptitudes innées. L’égale dignité de tous les êtres humains n’est pas de l’ordre de la biologie mais un choix politique fondamental.

 

Il n’y pas de races, pourquoi des statistiques ethniques ?

 

L’idéologie dominante en France proclame que les races n’existent pas. Une loi fait du racisme un délit. Mais tout le monde sait que des étrangers et des Français, immigrés ou non, sont victimes de discriminations du fait de leur apparence : boites de nuit, embauche, logement. Et cela ne date pas d’aujourd’hui.

Cependant certains milieux de la recherche et de la politique veulent mener des études qui incluent les caractéristiques « raciales » ou « ethniques » pour chiffrer ces discriminations, proposer des politiques et pouvoir mesurer leur efficacité.

 

D’où viennent les statistiques ethniques

Elles viennent de la société esclavagiste des États-Unis. Mais entre 1995-2004, 95 pays sur les 147 de l’ONU interrogeaient sur l’appartenance/origine, 14 sur les 27 pays de l’UE (Elena Filippova).
Elles ont été introduites seulement en 1981 au Royaume-Uni, pays plus marqué par l’influence étasunienne mais aussi par une longue pratique de l’esprit communautaire depuis la notion même de Royaume-Uni (Angleterre, Pays de Galles…), par l’esprit colonial, « indirect rule », et le respect des communautés immigrées.

L’histoire française, différente, allie « universalisme » (égalité) et « colonialisme » (inégalité) ainsi que « laïcité » (le particulier chez soi, le général à l’extérieur).

Difficultés techniques

Les statistiques « ethniques » sont très différentes d’un pays à l’autre. Les États-Unis ont commencé avec des catégories assez simples qui ont évolué avec le temps. Les termes employés sont différents suivants les pays : race, ethnicité, groupe ethnique, culture, peuple, tribu, caste, nationalité, groupe indigène, peuple autochtone, couleur, phénotype…
Les États-Unis utilisent  « origine ethnique », pour désigner l’origine nationale : Italian, Dominican, Haïtian, Korean, Libanese, Nigerian, Mexican et une catégorie « race » pour White, Black (et non Jaunes ? de même au Canada et au RU) mais Chinese, Japonese, Korean, Vietnamese. Pour les « spanish », deux questions : une Hispaniques, l’autre sur la race (Stéphane Jugnot, Elena Filippova).

En Hongrie : des questions sur la langue, la religion précèdent la question « auxquelles de ces nationalités pensez-vous appartenir ? »

Au Canada, on peut se reconnaître dans 4 catégories (Elena Filippova)

Les classifications en Russie sont héritées de la pensée scientiste d’un État impérial puis colonial. La classification ethnographique, linguistique et culturelle est passée de 128 à 192 catégories entre 1989 et 2002.

L’Inde ne compte que les catégories bénéficiaires de certains avantages (Elena Filippova).

Ces catégorisations ne sont donc pas scientifiques mais des catégories d’État (Stéphane Jugnot).

 

Conséquences des statistiques ethniques

Pour Elisabeth Badinter, le risque est d’enfermer « une personne par définition complexe dans une identité figée et réductrice ». Pour Jean-Loup Amselle : « Mesurer la diversité, ce n’est pas seulement l’enregistrer, c’est aussi la faire advenir, la créer. Identifier les personnes discriminées, c’est bel et bien créer des identités ». Une fois imposée, les catégories deviennent d’usage plus courant. Elles figent (Elena Filippova).

Les statistiques ethniques seraient porteuses d’une société fragmentée selon les origines, aboutissant à la concurrence entre « communautés » avec chacune ses lobbies, ses victimes, ses exclusions, son entre-soi, sa solidarité limitée. Une fois entré dans les classifications, difficile d’en sortir.

Mais comment prendre en compte que certains peuvent se constituer « en tant que » pour refuser d’être traités « comme ». Ce qui peut être illustré par « négritude ». A condition de ne pas s’y enfermer mais de se dépasser.(Jean-Luc Bonniol).

Diversité ou diversion ? Les questions sur l’origine portent sur tout sauf sur l’origine sociale : origine nationale, géographique, culturelle, linguistique, religieuse, raciale (Maryse Tripier).

Les Noirs constituent 13% de la population des États-Unis. Si, demain, ils constituent 13% de s riches et 13% des pauvres, la question sera-t-elle réglée ? Il y aura autant d’inégalités qu’avant, le fossé entre riches et pauvres sera toujours là, aura disparu le fossé entre Noirs et Blancs (Walter Benn Michaels). La diversité n’est pas un moyen d’instaurer l’égalité ; c’est une méthode de gestion de l’inégalité.

La « diversité » est pour certains un des mécanismes d’accès à des positions de pouvoir politique, économique et symbolique pour des groupes sociaux en cours de formation d’une fraction des classes moyennes (Smaïn Laacher), la beurgeoisie. Ceux qui s’en sortent ne règlent pas l’avenir de ceux qui restent et restent la majorité.

Il y a peu de Noirs à Harvard mais encore moins de pauvres. A même revenu familial, les Noirs ont de moins bons résultats scolaires que les Blancs dans de nombreux domaines. A même revenu par le patrimoine familial, la richesse accumulée, l’écart entre les Noirs et les Blancs disparaît. Les Noirs ne sont pas exclus des grandes universités à cause de la couleur de la peau mais en raison de leur trop faible patrimoine familial (Walter Benn Michaels).

En France, la lutte contre les discriminations  (SOS Racisme) est apparue après le tournant libéral de 1983, renforcée par l’influence de l’Union européenne libérale. La lutte contre le racisme et le sexisme est compatible avec le libéralisme économique.
La question de l’identité nationale – promue par Sarkozy, combattue par les Indigènes) – facilite en le masquant l’accroissement des inégalités. La volonté de créer une société aveugle aux couleurs a été remplacée par la volonté de créer une société « diverse », c'est-à-dire consciente des couleurs. Le problème posé est l’inégalité, la solution proposée est l’identité.

Les inégalités entre Blancs et non-Blancs, hommes et femmes, hétéros et homos, découlent avant tout de discriminations et de préjugés qu’il faut éliminer. Mais les inégalités entre riches et pauvres, patrons et ouvriers, ne trouvent leur origine ni dans le racisme, ni dans le sexisme : elles résultent du capitalisme et du libéralisme. En matière d’inégalité économique, le racisme et le sexisme fonctionnent comme des systèmes de tri : ils ne génèrent pas l’inégalité elle-même mais en répartissent les effets (Walter Benn Michaels).

Aux États-Unis, la pauvreté se maintient : chez les Blancs, 8,2%, les Asiatiques 10,2%, les Hispaniques 21,5% et les Noirs 24,5%. Ces chiffres témoignent de l’importance de l’héritage raciste. Ils laissent entendre que la discrimination est la principale cause de la pauvreté. Ils impliquent qu’il suffirait de mettre un terme à la discrimination pour en finir avec la pauvreté.
Sur les 37,3 millions de pauvres aux États-Unis, 43% sont blancs (2007). Ils ne sont pas victimes de la discrimination raciale. La discrimination ethnique n’est pas leur problème, la diversité n’est pas leur solution.

 

 

 

 

 

 

 

Résumé de la discussion (préparé par Yvonne)

 

 

La présentation de Paul s’est appuyée, en partie, sur les ouvrages suivants :

 

- L'humanité au pluriel. La génétique et la question des races de Bertrand Jordan Science ouverte, Seuil 2008

 

-: La diversité contre l'égalité de Walter Ben Michaels, Raison d'agir 2009

 

- Race et histoire Lévi-Strauss Folio essais 1952

 

- Le retour de la race. Contre les statistiques ethniques. Carsed 2009

 

-  De la question sociale à la question raciale ? Représenter la société française. Sous la direction de Didier Fassin et Eric Fassin , La Découverte

 

Une bonne partie de la discussion a porté sur la question de base : Y a-t-il ou non des races ?

Dans la mesure où la dispersion des ADN ne fait pas apparaître de groupes distincts, on est tenté de penser que l’espèce humaine, qui, elle, est UNE, ne comporte pas de races et que, seule, la répartition des groupes sur la terre a induit des différences morphologiques. Sur ce point, tout le monde est d’accord sur le fait que, s’il y a des races, il n’y a aucune hiérarchie entr’elles.

 

Il a été montré aux Etats-Unis que les blancs étaient supérieurs aux noirs (au niveau du QI) : les tests utilisés pour aboutir à cette conclusion étaient, bien entendu, adaptés à la culture occidentale, ce qui enlève toute crédibilité aux résultats obtenus.

 

Parler d’ethnie est souvent une plus noble manière de parler de race ; pourtant la notion d’ethnie est plus large que celle de race, car elle inclue la culture en plus de la biologie. D’ailleurs, pour les anthropologues, la culture est le seul paramètre de différenciation des races (ou des ethnies).

 

Au niveau individuel, les êtres humains diffèrent les uns des autres, égaux face à la maladie et, probablement face à certaines aptitudes innées ; l’égale dignité de tous les êtres humains n’est pas de nature biologique, mais un choix politique fondamental.

 

La diversité ethnique et les inégalités sociales sont deux notions distinctes ; aux Etats-Unis, il y a 13 % de noirs ; le jour où il y aura 13 % de noirs parmi les riches, on aura résolu le problème de la diversité ethnique, mais on aura toujours celui des inégalités sociales. Les progrès enregistrés dans la lutte contre les discriminations ethniques ne résoud en rien les inégalités sociales.

 

 

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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 16:32

CERCLE DES CHAMAILLEURS

 

La Laïcité (sujet commun)

 

Compte-rendu de la réunion du 26 février 2010

préparé par Jean

 

Une charte, signée par le premier Ministre et confirmée par le Conseil d’État, stipule que afficher ostensiblement son appartenance à une religion est un manquement aux obligations dues au respect de la laïcité.

 

Il est fait remarquer que le mot « laïcité » n’existe pas en allemand et que le respect des religions ne semble pas poser dans ce pays les mêmes problèmes qu’en France.

Une série de questions ont été posées et ont un peu servi de fil rouge à la discussion :

 

-         Pour les élections régionales, deux listes, une en Franche-Comté, l’autre en Mosellane, se sont intitulées « Non au minaret » ; est-ce ou non une atteinte à la laïcité ?

 

-         Huit restaurants Quick, en France, ne proposent que de la viande halal. Dans un quartier de Roubaix, un de ces restaurants est le seul restaurant du quartier, ce qui veut dire que, pour manger dehors, on est obligé de payer une obole à la religion musulmane : est-ce ou non une atteinte à la laïcité ?

 

-         Une tête de liste, en Alsace, affirme que la religion musulmane devrait être enseignée à l’école (comme le sont en Alsace les autres religions) et qu’il devrait en être ainsi dans toute la France ; est-ce laïque ou non ?

 

-         Du côté de Cavaillon, une tête de liste, du parti NPA, se présente coiffée du foulard islamique ; dans ces conditions peut-on être d’extrême gauche et laïque à la fois ?

 

-         Depuis la révolution française, le blasphème n’est plus un délit ; la laïcité n’inclue-t-elle donc pas le respect des religions ?

 

-         En Suède, un homme a été refusé à l’embauche pour ne pas avoir voulu saluer et regarder une DRH (femme). Le tribunal a estimé que ce refus d’embauche était une discrimination inacceptable : laïcité ou non-laïcité ?

 

-         L’État ne doit pas aider la construction d’édifices religieux. Cependant des mosquées et une cathédrale catholique (Évry) sont construites sur des terrains appartenant à l’État, avec un bail emphytéotique ; est-ce ou non de la laïcité ?

 

-         A Drancy, la mosquée, construite sur un terrain emphytéotique, est entretenue par les ouvriers municipaux. De plus l’Imam, qui prône le dialogue avec les juifs, passe auprès de ses ouailles pour l’Imam des juifs ; où est ici la laïcité ?

 

-         Le 14 février, on s’est embrassé sur le parvis de Notre Dame. Des intégristes catholiques sont venus agresser les homosexuels qui s’embrassaient ; est-ce ou non de la laïcité ?

 

-         Il existe dans des piscines des horaires réservés aux femmes musulmanes ou juives ; est-ce laïque ou non ?

 

-         Quand des musulmans prient dans la rue, leur mosquée étant trop exigüe, est-ce l’exiguïté de leur mosquée ou le fait qu’ils prient dans la rue qui est anti-laÏque ? 

 

Cet ensemble de questions montre que le problème de la laïcité n’est pas, aujourd’hui, simple.

 

Il est fait remarquer que, dans la vie courante, en France, les atteintes à la laïcité sont nombreuses et souvent insoupçonnées : les jours fériés correspondant à des commémorations de la religion catholique, le dimanche (dominicus, jour du Seigneur), et pourquoi pas le vendredi (pour les musulmans), le samedi (pour les juifs)… ?

 

Que dire du dilemme entre laïcité et liberté d’expression ; peut-on tout dire ? Bien que le blasphème ne soit plus un délit, le respect des autres, les règles du « Vivre Ensemble » ne doivent-ils pas limiter la liberté d’expression ?

 

Au niveau du respect des autres, il ne faut pas confondre respect des religions, qui n’est pas obligatoire, et respect des gens pratiquant une religion, qui, lui, est indispensable à la vie en société. Le respect des religions est une entrave à la laïcité ; on peut dire à ce sujet que la laïcité à régressé depuis le temps où une revue pouvait s’appeler « A bas la calotte » ; il paraît impossible qu’aujourd’hui un journal s’appelle « A bas la burqa, ou la kipa…. ». Ce reflux de la laïcité s’illustre aussi par le fait qu’aucune loi laïque n’a été promulguée depuis 1945, alors que cinq ou six l’ont été pour limiter la laïcité.

 

Beaucoup d’étrangers ne comprennent pas que, en France, la laïcité est née pour combattre le pouvoir de l’Église catholique ; il s’ensuit que la laïcité française présente un caractère particulier : jusqu’à la deuxième guerre mondiale, nous admettions tout à fait les caractères ostensibles de la religion catholique (prêtres en soutane, bonnes sœurs en habit…), alors que, aujourd’hui, la burqa ou autre nous apparaissent comme une régression. En fait, la laïcité a changé de camp : elle était de gauche, quand elle voulait supprimer les avantages du clergé, elle est devenue de droite pour lutter contre les émigrés. Il a été dit que la laïcité aujourd’hui était un cache-misère, masquant le racisme et la xénophobie.

 

En ce qui concerne les édifices religieux, nous constatons que les Églises se sont fondues dans notre paysage et sont d’ailleurs en partie propriété de l’État. Par contre, nous considérons les synagogues, les mosquées comme des édifices strictement religieux, pour l’édification desquels l’État ne devrait intervenir.

 

Petite discussion autour de la signification de « laïque » : pour certains le laïque désigne le bas peuple, les illettrés, la racaille (diraient certains !) ; pour d’autres le laïque désigne le non-clerc, c'est-à-dire l’étranger à l’église (quelle qu’elle soit) et, de ce fait, induit les caractères ci-dessus cités : bas peuple, illettré…

 

Concernant la viande « halal » : les musulmans ne consomment pas la totalité des animaux destinés à leur alimentation ; donc tout le monde a déjà mangé de la viande halal et, sans doute, en s’acquittant de la taxe correspondante. Ce qui est manifestement anti-laïque.

 

Concernant l’enseignement des religions à l’école, il n’y a là rien d’anti-laïque, à condition que cet enseignement soit prodigué par des personnes neutres, ce qui n’est pas le cas en Alsace. Tout le monde pense que l’Alsace devrait s’aligner maintenant sur le droit national.

 

Une longue digression sur l’Allemagne, qui a mieux intégré la (ou les) religion(s) dans la culture sociale : une affiche représentant une femme voilée avec la mention « je suis voilée ? Et après…. ».

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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 16:16

CERCLE DES CHAMAILLEURS

 

« L’identité européenne 

Jeudi 14 janvier 2010

Présentation par Michel

 

Eléments de réflexion tirés d’un chapitre du livre de Tzvetan Todorov (« La peur des barbares » Robert Laffont, 2008) et de divers articles.

Pour parler d’identité européenne, il faudrait d’abord préciser de quelle Europe nous voulons parler : s’agit-il du continent européen, de l’ensemble des pays qui peuvent être considérés comme européens ou principalement de ce que l’on désigne par Union Européenne ? Dans cette présentation, je serai souvent amené à naviguer de l’un à l’autre de ces éléments.

C’est une des raisons pour lesquelles, l'identité européenne demeure une notion ambiguë. De multiples visions du « fait » européen s'enchevêtrent sans pour autant se superposer : la réalité historique de l'Europe ne coïncide pas avec les données physiques ou géographiques, à tel point qu'il est pratiquement impossible de répondre à la question « qu'est-ce qu'être Européen ? »

Et, « qu'est-ce que l'Europe » : un espace géographique ou un modèle de civilisation ? Une  machine économique ou un projet politique ? Une nouvelle réalité historique ou une pensée philosophique ? Et comment articuler des destins divergents et complexes pour fonder une identité unique ou, plutôt, susciter l'identification de millions d'individus au pavillon étoilé de l'Union ? Telles sont quelques-unes des questions qui continuent de scander, pierre après pierre, sa construction.

Le débat sur l’identité européenne n’est en fait apparu ou plutôt réapparu que très récemment dans la sphère européenne. Ainsi, c’est autour de la question de l’adhésion de la Turquie que les questions ont de nouveau surgi. L’Europe a dès lors besoin de se définir et donc de définir ses frontières. Même en présentant son histoire comme unifiée, un problème central demeure : au niveau de la communauté nationale, comment choisir entre la souveraineté des Etats et celle de la communauté ? Comment construire une identité européenne sur la base des différences culturelles nationales ? Comment opérer ce découplage entre identité nationale et identité européenne et faire en sorte que les individus ressentent cette dernière ?
Le multiculturalisme pourrait apporter une réponse à ces questions et déboucher sur une construction politique, dans laquelle chacun des Etats serait à égalité.

Petit rappel historique

Les tentatives pour définir l’identité européenne ont été nombreuses :

-         au lendemain de la 1ère Guerre mondiale, Paul Valéry disait en substance : « J’appelle européens les peuples qui au cours de leur histoire ont subi trois grandes influences, celles que peuvent symboliser les noms de Athènes, Rome et le christianisme.

-         A ces sources, Denis de Rougemont (intellectuel suisse) ajoute que les Européens ont reçu leurs doctrines du bien et du mal de la tradition persane, leur idée de l’amour des poètes arabes et leur mysticisme des peuples celtes.

-         Mais c’est le siècle des Lumières qui a apporté les bases de l’identité européenne avec l’idée d’autonomie et du peuple souverain par la démocratie.

On a pu dire que les Lumières constituaient la création la plus prestigieuse de l’Europe car, au-delà des conflits et des différences, les pays européens partagent alors le même esprit dit des Lumières. Auparavant, l’identité du continent avait été pensée sur le mode de l’unité, celle de l’Empire romain ou de la religion chrétienne. La nouveauté de l’Europe des Lumières réside dans le fait qu’à cette époque seront reconnues et valorisées les différences entre ses parties constitutives.

Pour David Hume (philosophe, économiste et historien écossais, 1711-1776), « l’Europe est le plus morcelé des continents, c’est en cela que réside sa nouvelle unité ».

Complément tiré de Wikipedia (extraits) : La Révolution française a tenté sans grand succès d’unifier les peuples d’Europe contre les pouvoirs monarchiques. En 1795, dans son Essai sur la paix perpétuelle, Emmanuel Kant préconisait une fédération d’Etats libres.

En 1870, avant la Commune, les militants de l’Association internationale des travailleurs en France adressent un manifeste au peuple allemand : « tendons-nous la main, oublions les crimes militaires que les despotes nous ont fait commettre les uns contre les autres. Proclamons : la liberté, l’égalité, la fraternité des peuples. Par notre alliance, fondons les Etats-Unis d’Europe. »

Mais ce fut surtout en réaction  aux horreurs de la guerre qu’elle s’imposa avec plus de force, particulièrement après la guerre de 1870 : Victor Hugo appelait de ses vœux la construction d’un Etat paneuropéen, seul garant de la paix sur le continent. : « (…) Et on entendra la France crier : C’est mon tour ! Allemagne, me voilà ! Suis-je ton ennemie ? Non ! Je suis ta sœur. Je t’ai tout repris, et je te rends tout, à une condition : c’est que nous ne ferons plus qu’un seul peuple, qu’une seule famille, qu’une seule république. Je vais démolir mes forteresses, tu vas démolir les tiennes. Ma vengeance, c’est la fraternité ! Plus de frontières ! Le Rhin est à tous. Soyons la même République, soyons les Etats-Unis d’Europe, soyons la fédération continentale, soyons la liberté européenne, soyons la paix universelle. »

 

 

La culture européenne

 

Nous avons vu que cette culture se reconnaît des sources d’origine variée : la Grèce antique, Rome, le christianisme, références enrichies par l’apport de la Renaissance  et ensuite par l’esprit des Lumières.

Mais, pour l’historien Pierre Nora, « La République européenne des savants, des artistes, des historiens, n’est pas celle des citoyens. C’est la moins charnelle, la moins incarnée et, si des valeurs communes ont été développées en Europe à partir du christianisme et de l’Europe des Lumières, la paix, la démocratie, sont des valeurs plus universalistes que spécifiquement européennes. »

Aujourd’hui, tous les pays européens sont attachés au régime démocratique, au suffrage universel, aux droits égaux des individus, à l’Etat de droit, à la séparation du politique et du théologique, à la protection des minorités,…Mais, toutes ces valeurs possèdent une vocation universelle et sont revendiquées, dans des combinaisons variables, tout autour du globe !

Bon nombre de ces idéaux figurent dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Pour Samuel Huntington (« Le choc des civilisations ») ces valeurs constituent le « cœur de la civilisation occidentale ».

 

Pour reprendre Pierre Nora :

-         il n’y a donc pas de valeurs spécifiquement européennes

-         il n’existe pas de ville symbole de l’Europe mais seulement des capitales

-         il n’y a pas de lieu de mémoire européen

-         il n’y a pas de véritable « héros » de l’Europe :

Charlemagne ? son empire se disloque en 843

Napoléon 1er ? pour les uns tyran, pour les autres génie, il suscite des désirs d’indépendance nationale

Hitler, n’en parlons pas !

Les pères de l’Europe comme Jean Monnet sont mal connus.

Julien Benda avait proposé Erasme mais il est également peu connu.

(Humaniste et théologien néerlandais, il est une des figures majeures de la Renaissance).

Érasme a milité pour la paix en Europe. Cet engagement européen est fondé sur son cosmopolitisme : « Le monde entier est notre patrie à tous », proclame-t-il dans la Querela pacis. Il est également fondé sur son pacifisme. La discorde sanglante qui divise les Anglais, les Allemands, les Français et les Espagnols lui semble une absurdité. « Pourquoi ces noms stupides nous séparent-ils, puisque le nom de chrétien nous unit ? »                                        C’est en l'honneur d'Érasme que le programme européen d'échange pour les étudiants et les enseignants a été appelé Erasmus.

Mais on peut dire que l’Union Européenne se caractérise aujourd’hui par (Gérard Bossuat, professeur d’Histoire à l’Université de Cergy-Pontoise) :

-         Des symboles : l’hymne européen (Ode à la joie, 9ème symphonie de Beethoven), le drapeau, la devise européenne (« In varietate concordia » soit en français, « Unis dans la diversité »), la Journée de l’Europe (le 9 mai), le passeport européen, la monnaie européenne (l’Euro).

-         Une économie de marché régulée

-         Une identité politique en devenir (quelle politique étrangère ? quelle politique de défense ?

-         Une diversité culturelle avec des valeurs universelles mais des pratiques spécifiquement européennes

-         Une volonté de vivre ensemble tout en acceptant de fortes divergences.                                                  

-         Mais, une très faible intensité affective, plutôt d’ordre intellectuel et politique. Il en est de même au niveau des Etats : sauf pendant les matchs internationaux de football, l’Etat n’est plus l’objet d’affection en Europe, ces sentiments se portent de préférence sur un ensemble plus restreint : famille, amis, lieux, habitudes. Une autre raison de voir reculer le sentiment national (et sans doute le sentiment européen) vient du renforcement des communautés à l’intérieur des Etats européens et donc du communautarisme.

A propos des identités collectives et de la pluralité des cultures de l’Europe et des européens

Nous possédons tous non pas une mais plusieurs identités culturelles. Par exemple, un européen provient toujours d’une région et on trouve chez lui plusieurs cultures : soit la culture d’un adolescent ou d’un retraité, la culture d’un médecin ou d’un boulanger, une culture de femme ou d’homme, une culture de riche ou de pauvre,…

Pour Fritz Erler, personnalité importante des socio-démocrates allemands : « J’ai au moins cinq identités : souabe, protestante, démocrate, allemande, européenne,… »

Il n’existe pas de cultures pures, toutes les cultures sont mixtes (ou hybrides ou métissées). Un autre trait des cultures est qu’elles sont en perpétuelle transformation.

Avant d’influencer les autres cultures du monde, la culture européenne avait déjà absorbé les influences égyptienne, mésopotamienne, persane, indienne, islamique, chinoise,…

A propos des cultures, l’image la plus parlante est celle du mythique navire des Argonautes, appelé Argo : chaque planche, chaque corde, chaque clou a dû être remplacé tant le voyage a été long. Le bateau qui revient au port est tout différent de celui qui en est parti mais c’est toujours le même bateau avec le même nom : Argo !

On peut dire également qu’une culture qui ne change pas est une culture morte (comme il y a des langues mortes).

La pluralité comme base de l’unité

Comment tirer parti de la pluralité des cultures européennes ? Cela peut se faire en adoptant la même attitude face à la diversité.

Comme nous l’avons vu, c’est à l’époque des Lumières que la pluralité commence à être perçue comme une valeur (Montesquieu, dans les Lettres persanes, plaide pour la tolérance religieuse). Les guerres civiles sont le produit non de cette pluralité mais de l’intolérance des dominants (cf Voltaire en 1734 dans les Lettres philosophiques, à propos du nombre des religions en Angleterre).

Mais c’est David Hume en 1742 qui rattache le plus clairement l’idée de pluralité à celle de l’Europe et à l’identité européenne. Pour lui, c’est non pas l’héritage de l’empire romain ou de la religion chrétienne mais la pluralité des pays qui forment l’Europe. C’est cet équilibre entre unité (traits communs et liens économiques) et pluralité qui devient la caractéristique de l’Europe. Ceci nous renvoie d’ailleurs à la devise européenne !

L’avantage de la pluralité réside en ce qu’elle favorise la liberté de chacun de penser et de juger. A l’appui de sa thèse, Hume apporte un exemple et deux contre-exemples :

- l’exemple est celui de la Grèce ancienne où chaque cité garde un haut degré d’autonomie

- les contre-exemples sont :

            - l’Europe elle-même, du temps où elle était dominée par la seule religion catholique, ce qui a entraîné une dégénérescence de tout type de savoir (Copernic, Galilée,…)

            - la Chine avec l’arrêt du rayonnement de la culture chinoise par l’absence de pluralité intérieure (langue unique, loi unique, même façon de vivre).

 

Toujours à propos de la pluralité et de l’Europe, en 2003, lors du débat pour la préparation d’un Traité constitutionnel pour l’Europe : devait-on ou non faire mention dans le préambule de la Constitution des « racines chrétiennes » de l’Europe ? La décision finale a été de ne pas le faire car il a été jugé que cette information relevait de l’histoire (et pouvait figurer dans les livres d’histoire) et non d’un texte juridique.

 

Par ailleurs, à propos du nom du continent « Europe » : Europe était une jeune fille Asiatique (fille du roi Agénor de Phénicie, actuel Liban) venue vivre dans une île de la Méditerranée (Crète). Là aussi, origine diversifiée !

 

 

 

Formes de coexistence

 

L’histoire du continent a sans cesse été traversée par des guerres.

Il a fallu le traumatisme de la guerre de 1939-1945 pour que naisse l’Union Européenne : son point de départ est la volonté d’éliminer les guerres entre les pays membres et de renoncer à l’usage de la force en cas de conflit. Grâce à ce principe, les pays de l’Union jouissent maintenant dans leurs relations d’une paix qu’ils n’ont jamais connue auparavant.

Les pays européens ont ainsi pu explorer diverses formes de coexistence :

-         la forme minimale en est la tolérance : les désaccords entre groupes (y compris religieux) ne sont plus réglés par la force mais par la négociation et la persuasion.

-         Mais il existe des interactions plus fortes, par exemple le développement de l’esprit critique : on fait la part des arguments fondés sur l’autorité de la tradition et des arguments rationnels et on apprend à examiner toute doctrine d’un regard critique.

-         Autre conséquence du pluralisme : il empêche l’un des participants d’assumer une position hégémonique (c’est la raison pour laquelle Voltaire se réjouit de voir trente religions en Angleterre).

-         Le principe de laïcité qui est adopté aujourd’hui sous une forme ou sous une autre par presque tous les pays européens.

-         Enfin, l’idée de « volonté générale », telle qu’elle a été définie par Rousseau et qui doit être distinguée de la « volonté de tous » qui correspond à l’unanimité de tous les citoyens. On tient ainsi compte des désaccords mais on propose d’agir au nom de l’intérêt général.

Dans le processus actuel de construction européenne, on s’est souvent posé la question de savoir si, afin de parvenir à une identité commune, les Européens seraient capables d’adopter pour commencer une mémoire commune. Mais une mémoire commune n’est possible que si elle prend la forme d’une « mémoire générale ». La « mémoire de tous » exigerait que les mémoires particulières deviennent identiques, ce qui est une tâche irréalisable et peu souhaitable.

Exiger de chaque Français, Allemand, Polonais d’avoir la même mémoire du passé est impossible, autant lui demander de renoncer à l’appartenance à sa communauté. Il est en revanche possible de lui demander de tenir compte du point de vue des autres tout en relevant différences et ressemblances.

Les Européens de demain seront ceux qui sauront reconnaître que la mémoire du voisin est aussi légitime que la leur.

 

Le modèle cosmopolite :

 

L’Europe n’est pas une nation mais une forme de cohabitation de nations, ce qui la distingue des Etats multinationaux  comme la Russie ou l’Inde ou des Etats à la population très variée comme la Chine ou les Etats Unis.

Pour Ulrich Beck (sociologue allemand), on peut désigner la voie suivie par l’Union Européenne comme celle du cosmopolitisme. Ceci est lié à 3 conditions :

1.      il s’agit d’un ensemble formé d’entités plus petites qui obéissent à une norme commune

2.      les différences entre ces entités possèdent un statut légal

3.      ces dernières sont pourvues de droits égaux.

C’est ce qui la différencie des empires comme l’Empire britannique ou l’Empire français ou encore l’Empire ottoman (Empire soviétique ?) pour lesquels les points 1 et 2 peuvent s’appliquer mais pas le point 3 en raison de la hiérarchie et de l’hégémonie de certains et l’absence d’égalité : des privilèges sont accordés aux Métropoles mais sont refusés aux colonies ou aux provinces ou aux satellites.

L’approche cosmopolite n’abolit pas les différences mais leur donne un cadre commun et un statut d’égalité des droits.

Le cosmopolitisme promeut la pluralité culturelle sur la base d’une norme universelle concernant l’égalité de tous les êtres humains et impose une régulation des différences.

L’Europe cosmopolite est complémentaire à l’idée d’une Europe des nations.

 

« Le miracle européen, écrit Beck, consiste à pouvoir transformer des ennemis en voisins »,

car « l’identité européenne est fondée sur le renoncement à la violence. »

 

Non seulement la proximité des autres n’est plus une menace mais elle devient source de bénéfices. Au sein de l’Union, tous les Etats n’ont pas le même poids mais tous se plient à la même justice.

Toutefois, s’il existe bien une identité culturelle de l’Europe, elle ne suffit pas pour mettre en marche le moteur politique de l’Union.

Dans beaucoup de domaines, le pouvoir de décision reste entre les mains des gouvernements nationaux notamment en matière d’écologie, de recherche scientifique, d’immigration, d’économie, de sécurité ou d’énergie.

L’un des effets de cette faible intégration est l’absence de solidarité entre les peuples européens. On ne meurt pas volontiers pour que s’abaissent les barrières douanières !

 

Le problème, c’est qu’« aujourd’hui, l’Europe n’a plus d’ennemi à sa taille : la Russie s’est pacifiée, la Chine est lointaine, l’islam ne représente pas une menace crédible, les Etats Unis sont un allié…Du coup, la construction européenne stagne. »

 

 

L’Europe en Occident

 

Jusqu’à une époque récente, la question européenne a toujours été située dans un cadre plus vaste, celui de l’Occident, entité formée de l’Europe de l’Ouest et de l’Amérique du Nord. Les Etats-Unis sont en effet liés par leur origine à l’héritage européen et leurs « pères fondateurs » s’inspirent directement de l’esprit des Lumières. Leur identité politique et culturelle intègre des pans entiers de l’histoire européenne.

Avec l’effondrement du mur de Berlin, une fissure s’est introduite au sein de l’Occident,  orphelin de la menace soviétique

Depuis environ 15 ans, on assiste à un brouillage du concept d’Occident. Si l’on prend par exemple les différences de réactions face à l’Irak. Par ailleurs, le réflexe autocritique est plus répandu dans les pays européens.

 

Les Etats-Unis sont habités par une population plus hétérogène encore que celle de l’Europe, mais sur le plan de la politique étrangère ils forment, à la différence des Européens, un Etat unique, un Etat-nation.

 

L’Europe est considérée comme une « puissance tranquille », c’est-à-dire dépourvue de tout projet impérial.

Les jeunes Européens de notre temps ont du mal à imaginer  que ces pays, entre lesquels ils circulent si librement, aient pu se faire la guerre dans un passé récent, et ils ont tendance à projeter cette situation sur le reste de la planète.

Et, dans la plupart des cas, les gouvernements européens essaient de favoriser la négociation au détriment de la force. Sans doute, est-ce un trait de l’identité européenne !

On retrouve cette idée dans un article récent du Monde (Zaki Laïdi, Le Monde 12 janvier 2010) : « La préférence pour la norme est au cœur du projet européen depuis 1957. Elle exprime un double choix. Celui de réguler le monde par le droit plutôt que par la force. Celui de mettre d’accord des Etats ayant décidé de partager leur souveraineté dans un nombre substantiel de domaines. »

 

Les Frontières de l’Europe

 

Bref rappel à propos de la géographie de l’Europe (Wikipedia) :

 

L'Europe est la partie occidentale de l'Eurasie, traditionnellement considérée comme un des six ou sept continents. Le continent est bordé à l'ouest par l'océan Atlantique, au nord par l'Arctique et au sud par la mer Méditerranée et le détroit de Gibraltar. Les limites de l'Europe au sud-est et à l’est sont moins évidentes, plus politiques, et donc plus discutées. Traditionnellement l'Europe est séparée de l'Asie à l'est par le massif de l'Oural, le fleuve Oural, la mer Caspienne et le massif du Caucase, et au sud-est par la mer Noire et le détroit du Bosphore.

Sont considérées européennes l'Islande (pourtant située géologiquement sur la séparation Europe-Amérique), et les principales îles de la Méditerranée – le cas de Chypre est le plus sujet à caution, au moins sur le plan géographique. La Russie et la Turquie ont toutes les deux la plus grande partie de leur territoire en Asie, mais elles partagent une partie de leur histoire avec les pays du continent européen.

Dans la vision actuelle, le contour de l'Europe peut s'affiner et s'imaginer à partir des États membres du Conseil de l'Europe (46 pays).

Quelques îles de l'Atlantique (Madère, Canaries, Açores) que la géographie ne rattache pas à ce continent sont considérées comme européennes par l'origine de leur peuplement et de leur culture. C'est aussi le cas du Groenland, qui appartient au Danemark. On n'oubliera pas enfin que certains pays d'Europe occidentale possèdent quelques territoire lointains dont les habitants se retrouvent de facto européens, par exemple pour la France les départements et territoires d'outre-mer.

L'Europe a une superficie d'un peu plus de 10 millions de kilomètres carrés, précisément 10 392 855 km². Cela représente un tiers de l'Afrique ou un quart de l'Asie ou de l'Amérique.

On peut distinguer cinq grandes régions géographiques : Europe de l'Est, Europe centrale, Europe du Sud, Europe de l'Ouest et Europe du Nord.

Les frontières orientales de l'Europe sont avant tout politiques : la limite de l'Oural est due aux cartographes du tsar Pierre Ierle Grand au XVIIIe siècle. De même, la frontière fut déplacée des hautes crêtes du Caucase vers la Caspienne au début du XIXe siècle pour justifier l'annexion de la Géorgie et de l'Arménie dans l'empire russe. D'un point de vue plus scientifique, si l'on se réfère à la tectonique des plaques, l'Europe et la partie continentale de l'Asie ne sont qu'un seul et même continent, dénommé Eurasie. Aussi, quelques géographes éminents, tels que Alexander von Humboldt, considéraient-ils l'Europe comme une simple presqu'île de l'Asie.

Peut-on définir des frontières à l’Europe ?

 

Cela dépend d’abord de quelle Europe nous parlons.

Si l’identité européenne se fonde sur sa pluralité intérieure, on pourrait en conclure qu’il semble impossible de lui fixer des limites !

Ce qui semble être le vœu d’Ulrich Beck pour qui l’européanisation est un processus qui ne doit pas s’arrêter.

 

Pour Todorov, la vraie question est : quelles seraient les frontières optimales de l’Union Européenne ?

Il rappelle d’abord le rôle des frontières au cours du temps et distingue :

- une 1ère période qui correspond à la phase religieuse de l’histoire de l’humanité : la frontière décisive est celle qui sépare le ciel et la terre, car les frontières terrestres évoluent au gré des

mariages, des héritages, des transactions entre princes ou encore des guerres.

Par exemple, pendant un temps, les Pays-Bas et l’Espagne forment un seul pays puis se séparent ou encore la France qui vend la Louisiane.

- puis vient la phase nationale : les sujets du prince deviennent les citoyens de la nation. Le devoir n’appelle plus à mourir pour la foi mais pour la patrie. Rousseau pense que les bons chrétiens feraient de mauvais citoyens.

- depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, les Européens semblent être entrés dans une 3èmephase postreligieuse et postnationale et les frontières semblent perdre de leur importance.

 

Toutefois, d’après Todorov, une entité politique a besoin de frontières qui délimitent ses citoyens et ceux qui ne le sont pas.

« A la différence du point de vue humanitaire (qui se formule au nom de tous les êtres humains), la politique est toujours celle d’un groupe, d’un Etat ou d’un ensemble d’Etats. Il n’est pas d’action politique sans territoire délimité par rapport à d’autres territoires ».

Les 2 optiques, humanitaire et politique, sont complémentaires. C’est ainsi que les droits de l’homme ne deviennent réalité que lorsque les Etats eux-mêmes prennent en charge leur défense, autrement dit lorsqu’ils deviennent aussi droits politiques.

Les critères de Copenhague forment un ensemble de conditions pour l'accession à l'Union européenne de pays candidats. Ces critères ont été formulés par le Conseil européen lors du sommet de Copenhague en juin 1993 pour préciser les conditions selon lesquelles les « pays associés de l'Europe centrale et orientale qui le désirent pourront devenir membres de l'Union européenne ». Le traité modificatif de 2007 reprendra lesdits critères dans une phrase insérée dans l'article 49, premier alinéa du traité.

Le Conseil européen de Copenhague précise que l'adhésion d'un nouveau pays est soumise à des conditions préalables :

  • la mise en place d'« institutions stables garantissant l'état de droit, la démocratie, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection » ;
  • « une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union » ;
  • « la capacité (...) [d'] assumer les obligations [d'adhésion à l'UE], et notamment de souscrire aux objectifs de l'union politique, économique et monétaire ».

L'énonciation de ces critères (auxquels on se réfère depuis sous l'appellation « critères de Copenhague ») apparaissait comme une acceptation de principe de l'adhésion des PECO (Pays d’Europe Centrale et Orientale) à l'Union Européenne et en fixait les modalités (et indirectement le calendrier).

D’autres critères, non formulés mais semblant aller de soi, sont appliqués :

-         l’exigence d’une continuité géographique, ce qui exclut par exemple le Canada (ou Israël ?)

-         la taille des pays candidats, ce qui exclut par exemple la Russie

-         faut-il y ajouter un critère culturel ? Ceci a été suggéré au moment de la candidature turque.

Mais n’y a-t-il pas confusion entre histoire et droit ?

La religion chrétienne a laissé une marque indélébile sur l’identité culturelle des européens mais, ce que l’Europe exige, est l’acceptation de la pluralité !

Si l’Europe est un club, se serait plutôt un « club laïc ». Et, la question de l’adhésion de la Turquie ne peut être tranchée à l’aide d’un critère culturel ; tout ce qu’on peut lui demander, c’est qu’elle adhère à une politique laïque.

Une autre question se pose : quel est l’intérêt stratégique de l’adhésion de la Turquie pour l’Europe ? Une autre façon de poser la question serait : quels sont les voisins que l’U.E. aurait intérêt à avoir ?

Par exemple, la Turquie plutôt que l’Iran, l’Irak ou la Syrie ; l’Ukraine ou la Biélorussie plutôt que la Russie ; le Maroc par rapport au Maghreb.

Ces Etats auraient le statut d’Etats de transition avec des privilèges, ce que la Turquie refuse.

 

En conclusion :

Il est impossible de donner une définition unique de l’identité européenne. On peut toutefois essayer de la cerner, de définir quelques-unes de ses caractéristiques, de dégager les grands traits de ce qui fait son originalité à défaut, bien souvent, de sa spécificité.

 

DISCUSSION (résumé par Paul)

 

A partir de cette présentation, la discussion s'engage pour savoir ce qui permet de définir une "identité" de l'Europe. Curieusement, sans qu'il soit fait la moindre allusion au débat sur l'identité française actuellement en discussion. Peut-être parce que le débat français est trop pollué par les circonstances de son lancement préélectoral et par la volonté d'avoir une réflexion "européenne" en dehors de toute contingence.

 

La conclusion du débat pourrait être que l'identité européenne est surtout en devenir, toute dans le projet européen.

En effet, il est difficile de donner des frontières stables, reconnues par tous pour l'Europe et encore plus pour l'UE. Certes l'Europe peut être définie comme un espace qui s'étend  de l'Atlantique à l'Oural et limité au sud par la Méditerrnée. Mais cela n'en fait que la pointe du continent euro-asiatique et partage la Russie et la Turquie, 2 pays dont la plus grande partie est en Asie.

Quand il s'agit de l'UE (initialement sous un autre nom), il est encore plus difficile d'en dire les frontières, tant elles sont mouvantes depuis l'Europe des 6 jusqu'à l'Europe des 27 avant d'arriver (?) à l'Europe des 46 (Conseil de l'Europe).

 

Pour l'histoire, les choses sont encore plus complexes. Sans partir de la mythologie qui fait d'Europe une lévantine fécondée par Jupiter, l'histoire de l'Europe est faite de bruit et de fureur, d'affrontements nationalistes, de construction et d'effondrement d'empires (Charlemange, Napoléon, Empire austro-hongrois, Hitler), de multiples guerres intestines, avec leurs malheureux prolongements dans des conquêtes coloniales concurrentes (britanniques, françaises, espagnoles, portugaises, allemandes, italiennes) qui ont, par deux fois, débouché sur des guerres mondiales !

L'étonnant de l'Histoire de l'Europe est que, dans les années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, un commencement de construction européenne ait pu se mettre en place avec comme ferment la volonté de mettre un terme aux guerres "intestines" (Allemagne, France, Royaume-Uni) et de s'opposer, ensemble avec l'aide des Etats-Unis, aux menaces de l'Empire soviétique. Et ce malgré son extrême diversité interne : "unité dans la diversité".

 

A coté de l'histoire et au-delà des affrontements politico-militaires, l'histoire culturelle, même conflictuelle, est probablement un facteur important de l'identité européenne où  Athènes, Rome, le christianisme, les Lumières ont joué un rôle important qui a débouché sur un certain nombre de valeurs, aujourd'hui, partagées. Même si elles ont servi ou servent encore à des aventures contestables ou ne sont pas totalement mises en pratique dans l'UE et dans ses différentes composantes. Des valeurs qui dépassaient et dépassent largement les frontières, quelles qu'elles soient, de l'Europe puisqu'elles sont la base de la Déclaration universelle de 1948.

 

Finalement ce qui pourrait définir l'identité européenne, ce sont les critères de Copenhague d'adhésion à l'Union européenne qui sont ouverts, ne comportent aucune limite géographique mais portent sur des exignences politiques pour les Etats.

Reste qu'une identité collective ne repose pas seulement sur des critères juridiques et politiques mais aussi sur le sentiment d'appartenance des personnes et surtout sur leur degré d'adhésion au projet politique. C'est probablement ce qui a le plus fait défaut à l'UE jusqu'à ce jour. En ce sens, l'Europe manque de mythologie, de héros, de lieux de mémoire partagés.

L'euro, commun à un nombre encore limité de pays, ne peut en tenir lieu, ni les échanges, limités, de jeunes. Il faudrait aussi dénationaliser l'histoire, mettre en valeur des moments symboliques, Kohl Mitterrand à Verdun, la Chute du mur...; favoriser un multiculturalisme européen (en non un monolinguisme anglais), un enseignement partagé de l'hitoire qui, sans nier la réalité, mettrait en valeur les efforts de paix des uns et des autres et non les faits de guerre, ferait partager les gloires littéraires et artistiques...

 

Un des dangers risquant de dévoyer l'identité européenne en construction serait la recherche d'un ennemi extérieur (l'islam, le terrorisme...) ou intérieur (l’immigration) qui lui ferait perdre le sens des valeurs programmées. La construction de l'identité "Europe forteresse". C'est visible dans l'évolution des législations aussi bien au niveau des différents pays constitutifs qu'au niveau de l'Union européenne elle-même.

Mais tout le monde affirme que l'immigration est indispensable économiquement et, pour certains pays, démographiquement, il faut donc tout mettre en oeuvre pour organiser son intégration démocratique à l'Europe. En un sens, les immigrés y sont particulièrement intéressés car ils sont venus avec l'espoir de se bâtir une nouvelle vie, aussi bien au niveau économique que politique : ils viennent le plus souvent de pays pauvres et peu démocratiques. Ils sont donc là en demande des valeurs proclamées par les pays européens.
Qui plus est, ils ne partagent pas la mémoire des affrontements internes à l'Europe et portent donc d'une certaine façon un dépassement de ces affrontements. Pour eux encore plus, l'Europe est un projet.

La véritable identité de l'Europe, c'est cette volonté d'assumer le passé et de créer un continent de paix. de se construire sur un mode ni nationaliste, ni annexionniste, ni impérialiste mais sur les valeurs de paix de démocratie, à l'intérieur comme à l'extérieur.

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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 16:10

CERCLE DES CHAMAILLEURS

 

« Fraternité »

 

Jeudi 10 décembre 2009

 

Présentation par Yvonne :

 

D’après le livre : Régis Debray – Le moment de fraternité – Gallimard 2009

 

Fraternité, en latin fraternitas,  relation entre frères, entre peuples…

 

La fraternité est le lien naturel et le sentiment de solidarité et d’amitié entre les représentants de l’espèce humaine. Elle implique la tolérance et le respect mutuel des différences en contribuant ainsi à la paix….

 

La fraternité comporte la notion d’exclusion, car elle ne lie que ceux d’une même organisation ou ceux qui partagent le même idéal et la même cause.

 

La fraternité est l’une des trois admirables composantes de la devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité.

 

La fraternité est une valeur de l’humanité, comme en témoigne l’article 1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1848: « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit ; ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns par rapport aux autres dans un esprit de fraternité. »

 

« On n’a pas fait quelque chose de sa vie si on n’a pas fait quelque chose pour quelqu’un ! »

 

La fraternité, un mot qui orne les frontons de nos édifices publics, un des plus beaux mots de notre langue, mais que recouvre-t-il ?

Qu’est-ce que la fraternité ?

 

Fédérer les peuples, unir les hommes, polir les mœurs. Une utopie ? Poser la question, c’est déjà tenter d’y répondre. La société des hommes est relayée par la société des citoyens…

 

Régis Debray a écrit un gros livre sur la fraternité. J’y ai relevé les citations qui me paraissent le mieux définir la fraternité

 

4 août 1789 : abolition des privilèges. En 2009 subsistent encore (et pour longtemps peut-être) des inégalités, les injustices sociales, qui mettent à mal la fraternité. Abolissons le capitalisme ?

 

Jean-Jacques Rousseau, se défiant du christianisme, source d’intolérance et de déloyauté civique, mais rappelant à une profession de foi civile, qui fasse aimer au citoyen ses devoirs envers autrui.

 

Les anciens n’avaient droit qu’à la philanthropie et à l’amitié ; la première, teintée de condescendance désigne l’amour de l’humanité en général ; la deuxième, une dilection particulière entre gens de qualité. La fraternité se situe entre les deux.

 

Montaigne : « L’amitié berce, la fraternité secoue »

 

La fraternité n’apparaît qu’au XIème siècle chez les auteurs chrétiens. Dans l’ancien testament, la fraternité émerge…

 

C’est en 1790, dans un discours portant sur l’organisation de la Garde Nationale, que Robespierre propose d’écrire le mot de fraternité sur notre drapeau. Le bas clergé applaudit l’inattendu retour d’un précepte évangélique.

 

La  solidarité est une fraternité  rationalisée, mais efficace.

 

Pendant la révolution française, la fraternité avait pour vocation première d’embrasser tous ceux qui, français ou étrangers, luttaient pour l’avènement de la liberté et de l’égalité.

Paul Thibaud (philosophe, directeur de la revue « Esprit ») : « Autant la liberté et l’égalité peuvent être perçues comme des droits, autant la fraternité est une obligation de chacun vis-à-vis d’autrui ; c’est donc un mot d’ordre moral. »

 

Jean-Nicolas Pache, maire de la Commune de Paris, fait peindre sur les murs de l’Hôtel de Ville, le 21/06/1793, la formule : « Unité, Indivisibilité de la République, Liberté, Égalité, Fraternité ou La Mort »

 

La Bruyère, se demandant s’il est vrai que la pitié et la compassion sont un retour vers nous-mêmes, qui nous met à la place des malheureux. Pourquoi tirent-ils de nous si peu de soulagement dans leur misère ?

 

Régis Debray se demande d’abord ce que sacré veut dire, les droits de l’homme se donnant comme expression contemporaine. De la solidarité humaine.

 

Gustave Flaubert (1853) : La fraternité est la plus belle invention de l’hypocrisie sociale. On crie contre les Jésuites ! Ô candeur ! Nous en sommes tous.

 

Fraternité : Charité, sincérité, union, mieux vivre ensemble, refusons la misère. Là où les hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les Droits de l’Homme sont violés ; s’unir pour les faire respecter est un devoir sacré.

 

En France, il y a une grande détresse sur les plans social et familial. Nous sommes dans une société où les besoins de nos contemporains sont de plus en plus grands. La souffrance se rencontre à chaque coin de rue, et pas uniquement dans le tiers monde ; l’isolement, malgré la foule, … le fait d’être comme un objet à exploiter… l’exclusion toujours plus grande, drame humain vécu dans la plus grande indifférence.

 

Nous pourrions nous poser la question de l’utilité d’une nième association caritative, il y en a déjà tellement ; il faut que noire action prenne sa source dans le respect de la personne humaine, c’est l’amour de l’autre qui nous stimule.

 

Nous sommes une goutte d’eau dans l’océan, mais tant mieux pour ceux qui bénéficient de cette goutte, rejet de l’indifférence.

 

Victor Hugo : « Liberté, Égalité, Fraternité, les trois marches du perron suprême »

 

Jacques Attali : « L’Éternité, l’Égalité et la Liberté sont des droits : la fraternité est une obligation morale. »

 

Krzycztal Klesowski ; « En 10 phrases, les commandements de l’Église résument l’essentiel de la vie ; en trois mots la devise de la République en font autant. »

 

Jean Guenot : « La fraternité est ce qui distingue les hommes : les animaux ne connaissent que l’amour. »

 

José Marti : «  La fraternité du malheur est la plus rapide. »

 

Augusto Rosa Bastos : « Ce qui s’impose maintenant, c’est la confraternité face à ce monde violent pour tenter de récupérer le sens de la dignité humaine au travers de la fraternité, entente entre tous les peuples. »

 

Romain Gary : « La pauvreté est un refus de partage ; la grande fraternité de la merde. »

 

Victor Hugo : « Et de l’union des libertés dans la fraternité des peuples naîtra la sympathie des âmes, germe de cet immense avenir où commençait pour le genre humain, la vie universelle qu’on appellera la paix de l’Europe »

 

Sur le fronton de la mairie d’Aix-en-Provence, on peut lire, en plus de la devise républicaine, Générosité et Probité. Sur le fronton de la mairie de Vaulx-en-Velin, en plus de la devise, Solidarité.

 

Sur le tympan d’une église, a été inscrit en 1905, suite à la séparation de l’église de l’État : République Française, Liberté, Égalité, Fraternité.

 

Barbès : « Vivre libre ou mourir ».

 

Rousseau définissait l’égalité : nul citoyen ne sera assez opulent pour en acheter un autre ; nul assez pauvre pour être contraint de se vendre.

 

Dans les droits et devoirs du citoyen,  la fraternité est définie par : ne faîtes pas à autrui ce que vous n’aimeriez pas que l’on vous fît et faites constamment aux autres le bien que vous aimeriez recevoir.

 

La Croix Rouge : fondée par le suisse Henri Dunan, au lendemain de la bataille de Solferino en 1860.

 

CIMADE

Secours Catholique

Secours Populaire

Médecin sans Frontière

Médecins du Monde

Amnesty International

Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture

Téléthon

Fondation Abbé Pierre

Résumé de la discussion (Michel)

 

Comme beaucoup de symboles révolutionnaires, la devise est tombée en désuétude sous l'Empire. Elle réapparaît lors de la Révolution de 1848, empreinte d'une dimension religieuse : les prêtres célèbrent le Christ-Fraternité et bénissent les arbres de la liberté qui sont alors plantés. Lorsqu'est rédigée la constitution de 1848, la devise " Liberté, Egalité, Fraternité " est définie comme un " principe " de la République.

 

Le mot « fraternité » n’est cependant pas satisfaisant, notamment quand il est employé dans la devise républicaine car c’est un mot sexué, un terme qui concerne uniquement les hommes, les frères au même titre que la « sororité » concerne les sœurs, les femmes. Un autre terme, « adelphité », qui vient de la racine grecque adelph qui désigne à la fois le frère et la sœur, avait d’ailleurs été préconisé par les « Chiennes de Garde » à l’occasion de la journée de la femme du 8 mars 2000.

La « fraternité » est un terme qui vient des religions, en particulier des religions chrétiennes mais aussi de l’islam (les « frères » désignant ici exclusivement les autres musulmans, sans parler des « frères musulmans » qui sont une secte musulmane).

Le terme est employé de façon beaucoup plus large chez les chrétiens. On le retrouve dans la Bible, notamment de façon implicite chez Saint Paul, dans l’épitre aux Galates : « il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme » ; il ne précise pas ce qu’il y a à la place mais on en déduit que tous sont frères ou sœurs en Dieu ou plus précisément en Jésus Christ.

On retrouve le concept chez les francs-maçons qui se désignent comme « frères » ou comme « sœurs » mais là encore, c’est une fraternité ou une sororité qui exclut les autres, les non-maçons qui sont des non-frères.

On retrouve la devise républicaine au fronton de certaines églises, ce qui pourrait sembler étrange mais ceci date de 1905, après la séparation des Eglises et de l’Etat, l’extérieur des lieux de cultes étant la propriété de l’Etat alors que l’intérieur et tout ce qu’il contient, appartient à l’Eglise concernée.

 

Autre argument contre l’emploi de « fraternité »  dans la devise républicaine : on peut légiférer sur la liberté et sur l’égalité mais ceci n’est guère possible sur la fraternité qui est avant tout un sentiment ! Il serait préférable de lui substituer le terme de « solidarité » qui n’a commencé à être employé, il est vrai, qu’à partir du XIXème siècle. On peut légiférer sur la solidarité. La solidarité est d’ailleurs « un lien d’engagement et de dépendance réciproques » (Wikipédia), ce qui entraîne aussi que l’on peut être solidaire d’autrui par intérêt bien compris (par attente de la réciprocité).

 

Mais, en dehors de ces considérations législatives, formelles et plus généralement politiques, le terme de « fraternité » a bien sûr des dimensions très positives : être fraternel envers les autres, c’est être chaleureux, bienveillant, avoir de l’empathie. Mon frère (ou ma sœur) c’est un(e) autre moi-même.

 

 

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