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Cercle des chamailleurs

 

21/02/2008

 

 

« L’impensé de la démocratie. Tocqueville. La citoyenneté. La religion »  

Agnès Antoine, Fayard, 2003, 410 p

 

(Premiere partie)

 

presentation par paul

 

TOCQUEVILLE : Taper Tocqueville sur Google, tout sauf religion
- Alexis Henri Charles Clérel, vicomte de Tocqueville
, né à Paris le 29 juillet 1805, mort à Cannes en 1859, fut un penseur politique, historien et écrivain français. Célèbre pour ses analyses de
la Révolution, de la démocratie américaine et de l'évolution des démocraties occidentales en général. Encensé par la droite française depuis Raymond Aron et François Furet, vilipendé par la gauche.
- Bibliographie : Du système pénitentiaire aux États-Unis et de son application en France (
1833), (avec la collaboration de Gustave de Beaumont), Quinze Jours dans le désert (1840), De la démocratie en Amérique, L'Ancien Régime et
la Révolution (1856).

française

Le sens de l’histoire :

L’égalité est pour T le ressort caché et le principe explicatif de l‘histoire humaine. « Lorsqu’on parcourt notre histoire, on ne rencontre pour ainsi dire pas de grands événements qui depuis 700 ans n’aient tourné au profit de l’égalité ». « Il n’est pas nécessaire que Dieu parle pour que nous découvrions les signes de sa volonté ; il suffit d’examiner quelle est la marche habituelle de la nature…». Combattre ce mouvement profond de l’Histoire comme le font les ennemis de la démocratie, c’est vouloir lutter contre Dieu.
Le travail du négatif ou l’utilité de l’âge aristocratique.

Pour T les idées sont premières mais les idées et les faits s’engendrent mutuellement. Beaucoup d’idées sont vieilles mais n’arrivent à prendre corps qu’à un moment et en un lieu donnés où elles sont clairement énoncées et adoptées par les contemporains. Il est inutile et dangereux de vouloir faire passer des idées dans la société, si elle n’est pas prête à les recevoir.

L’être humain désire des choses à partir des idées qu’il en a : « Quoi qu’on en dise, ce sont les idées qui remuent le monde et non d’aveugles besoins ». Il y a une science possible des conditionnements socio-historiques de l’humanité mais l’histoire est une invention perpétuellement renouvelée par les hommes.

La description scientifique des sociétés n’est pas incompatible avec un discours religieux qui estime que leur évolution vers l’égalité a une signification profonde, en partie mystérieuse, et pose un défi à la liberté humaine : le secret de l’origine et de la fin. Les lois naturelles de l’histoire font apparaître la Providence. « La Providence n’a créé le genre humain ni entièrement indépendant, ni tout à fait esclave. Elle trace…, autour de chaque homme, un cercle fatal dont il ne peut sortir : mais dans ces vastes limites, l’homme est puissant et libre ; ainsi des peuples ».

Le monde aristocratique

Au départ, les hommes sont égaux, soumis aux contraintes du vivre. Chacun est faible et borné et il est presque impossible de développer son intelligence. Si un homme réussit à le faire, il exploite cet avantage et crée une inégalité. « Si les peuples restent démocratiques, la civilisation ne saurait naître en leur sein, si elle y pénètre ils cessent d’être démocratiques ».

Dans le monde aristocratique, société inégalitaire, le lien hiérarchique entre les hommes est fort, il implique clarté, réciprocité des obligations morales et soumission à un ordre antérieur et extérieur, de nature divine. Chacun dans une lignée familiale, dans la même condition, dans le même lieu depuis des siècles.

La noblesse possède richesse et bien-être, de façon définitive, légitime. Elle ne méprise pas le travail mais le fait qu’il soit réalisé en vue d’un gain, qu’il soit lié à la nécessité, elle estime la tâche accomplie par vertu ou par désir de gloire.

L’étape aristocratique est indispensable pour passer de l’égalité spontanée à l’égalité consciente et réfléchie. Il fallait passer par la négation, l’inégalité aristocratique puis la négation de la négation, pour arriver à la vraie égalité. La société aristocratique, première élévation au dessus de l’animalité par un acte de pensée et de liberté. Le noble incarne les vertus héroïques et guerrières mais aussi les premiers développements de la pensée.

Le code moral de l’honneur permet de perpétuer la structure hiérarchique. Le noble doit faire sans cesse la démonstration de sa supériorité physique et morale ce qui pousse à l’extrême l’idée de grandeur et de puissance de l’homme. Toute la psychologie de l’homme noble orientée par sa volonté de montrer sa capacité au pouvoir, le souci du prestige, la recherche de l’exploit, l’orgueil du rang. S’attache à des fins de plus en plus immatérielles au point de risquer sa vie. Elle marque l’émergence de l’individualité. Volonté de puissance devient vertu.

Le bourgeois acquiert lumières et richesses par le commerce. Il accède au monde de l’intelligence et en accroît le domaine. La possession du savoir constitue la source de renversement de la légitimité. La noblesse perd son pouvoir et sa richesse mais garde ses droits tandis que le tiers progresse sans les mêmes honneurs. La bourgeoisie développe une fausse aristocratie de groupes repliés sur eux-mêmes « sans prendre part à la vie de tous », une sorte « d’individualisme collectif ».

Le paysan, « classe délaissée » n’a pas de place dans l’humanité de la fin de l’Ancien régime. Les progrès de la civilisation se font contre lui.

 Le pauvre et le riche n’ont presque plus rien de semblable. Il n’y a plus de compassion, la misère comme garantie contre la paresse. « Plusieurs humanités superposées, de sensibilité et de mode de pensée différents. » « Me de Sévigné ne concevait pas clairement ce que c’était que de souffrir quand on n’était pas gentilhomme. » Le pauvre n’envisage pas d’amélioration possible sur cette terre. Mais l’indifférence fait bientôt place à la haine et à la Révolution si une partie des classes supérieures s’allie avec les classes inférieures.

Dans les siècles aristocratiques, les historiens rapportent les événements à la volonté des « grands hommes ». Ils analysent les causes particulières au détriment des causes globales. Dans les conditions d’égalité, ils expliquent tout par des causes générales, sans influence individuelle.

 

La condition démocratique

« L’aristocratie : une longue chaîne du paysan au roi ; la démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part ». Mais les démocrates n’ont pas assez conscience des menaces venant de la démocratie.

La morale démocratique : Au-delà de l’amour de soi qui ne fonctionne innocemment qu’à l’état de nature, au-delà de l’amour propre de l’homme corrompu par une société fondée sur la force, le contrat social conduit à un amour raisonnable. Seule la participation à la vie de la cité peut éduquer les hommes démocratiques dans les sentiments raisonnés et aux vertus publiques. «  La tâche la plus difficile des gouvernements n’est point de gouverner mais d’instruire les hommes à se gouverner eux-mêmes »

En démocratie, la vertu est « l’amour de la république » (Montesquieu), « préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre ». Le propre de la démocratie est de considérer l‘humanité comme une.

Individualisme : Le monde démocratique, fondé sur l’égalité et la liberté des individus, les isole. L’individualisme : conséquence de l’égalité sociale et politique, chacun semblable aux autres, indépendant et souverain. Les hommes « déliés » souhaitent définir leur propre norme, indépendante, d’abord tournés vers eux-mêmes. Ils ont des préoccupations matérielles et travaillent prioritairement à des activités productives. Lorsque l’individu se retire dans la satisfaction de ses activités professionnelles, oublie sa participation à l’exercice de la souveraineté collective, sa liberté est menacée. Le système, même vraiment représentatif, aliène la souveraineté (T. et JJR, philosophie politique de la participation).

Matérialisme :

« La passion principale, l’amour, l’égalité ». Plus que la liberté bien que l‘idéal soit « les hommes seront parfaitement libres parce qu’ils seront tous entièrement égaux  et parfaitement égaux parce qu’ils seront entièrement libres ». La liberté demande des sacrifices et ses avantages, plus immatériels, n’apparaissent que lentement et en petit nombre. Tout le contraire de l’égalité, « passion ardente », insatiable.

Dans la société démocratique, chacun doit gagner sa place et espère la meilleure. La passion du bien-être et des richesses (« matérialisme ») caractérise l’homme démocratique.

Le rationalisme. L’homme juge par sa raison petites et grandes choses. Se défie de ce qu’il n’a pu vérifier, traditions, opinions, préjugés, dogmes et mystères. La marche de l’égalité, libre examen, met en cause toute autorité, du religieux (Réforme), de la philosophie/science (cartésianisme) et enfin du politique (Lumières).

Le « matérialisme » entraîne un goût de l’utile et la place centrale du travail. Produit du rationalisme, la division du travail sépare les hommes, du coté du corps ceux qui sont chargés de tâches spécialisées, dans la sphère de l’intelligence ceux qui dirigent. L’ouvrier est prisonnier d’une société qui le « matérialise ». Le maître n’a aucune idée de son existence réelle et ne songe qu’à s’en servir. Sous couvert d’égalité la logique aristocratique reprend le dessus.

Est beau, bien, vrai, ce qui favorise la vie des individus dans ce monde. Dans une société des égaux, l’argent est le principal facteur d’échange et l’étalon de différenciation sociale. Le travail au cœur de la condition démocratique et matérialiste.

Le malaise de l’individu moderne : Le drame de l’homme moderne : projeter un désir infini d’égalité dans un monde fini. La passion d’égalité ne fait que croître quand l’inégalité décroît. L’individu ne vit l’autre que dans la comparaison, la concurrence, l’insécurité. Suspecte le bien fondé du jugement d’autrui parce que ce dernier est son semblable, se fie aux affirmations du plus grand nombre. C’est de plus en plus l’opinion qui mène le monde.

La souveraineté du peuple

            La souveraineté du peuple équivalent collectif de l’individualisme et du rationalisme. « la société agit par elle-même sur elle-même », le peuple « cause et la fin de toute chose ».

            En démocratie, la règle de la majorité donne une aura d’infaillibilité à la norme. Affirmation dangereuse pour la minorité qui dont avoir un droit de résistance au nom de la souveraineté du genre humain. Le mépris de la justice par la majorité doit être autant redouté que les infidélités des minorités à l’égard de la volonté générale.

La majorité qui impose sa pensée, mène à l’uniformisation, supprime la part originale des individus. L’individu démocratique trouve normal pour être plus efficace de concentrer le pouvoir, jalousie égalitaire oblige, dans un chef garantissant le jeu démocratique.

Orientation de la société

Le goût du bien-être oriente la société, valorise le progrès matériel, la science appliquée plus que la recherche. La science perd son caractère désintéressé, devient pratique, parfois théorique jamais métaphysique. La société démocratique finit par aimer la technique pour elle-même et perd de vue qu’elle n’a de sens que si elle apporte un surcroît de liberté. Elle est avant tout une société industrielle et commerciale qui permet des carrières lucratives vers lesquelles se tournent toutes les « passions énergiques ». Compétition et réussite deviennent des buts en eux-mêmes, culte collectif du record et de la rentabilité. Vision économiste de la société.

Une société sans histoire

Le commerce remplace la guerre (Montesquieu, Constant, Comte). Les peuples démocratiques hésitent à l’engager et ont du mal à la finir, ayant orienté toute leur activité industrielle et commerciale en ce sens.

La révolution, « la lutte des opprimés contre les oppresseurs », est au service de la liberté, elle a un caractère sacré. La société antirévolutionnaire a perdu l’énergie créatrice qui porte à la révolution. Les démocrates goûtent trop les acquis pour les mettre en péril, « non seulement les hommes des démocraties ne désirent pas les révolutions mais ils les craignent ».            Il n’y a plus de « races de pauvres », ni « de races de riches «  mais des individus désireux de s’élever ou de maintenir leur position. L’homme démocratique s’installe dans le conformisme majoritaire. Prêt à suivre le démagogue. Les petits désirs remplacent les désirs infinis.

 

LA SCIENCE NOUVELLE : FORMER DES CITOYENS

La société démocratique constitue un groupement de monades, citoyenneté ou religion permettent d’aller au-delà. « Sans idée commune, pas d’action commune et sans action commune il existe encore des hommes mais non un corps social ». Il faut que l’individu croie à son appartenance à la collectivité politique et à la nécessité de sa participation à l’élaboration de valeurs et de fins communes.

            De l’instruction à l’éducation

La raison, grandeur et misère de l’homme, instrument privilégié d’exploration du monde a des limites : « Il n’est pas de sujet qui ne s’élargisse à mesure qu’on y entre, pas de fait ni d’observation au fond de laquelle on ne découvre un doute », « le grand Newton ressemble plus à un imbécile par les choses qu’il ignore qu’il n’en diffère par les choses qu’il sait » et face aux questions qui importent le plus, origine et destinée, la raison est impuissante.

L’homme est un animal politique. Il ne suffit pas « d’apprendre aux hommes à lire et à écrire pour en faire des citoyens », « les véritables lumières naissent principalement de l’expérience ». Seul l’exercice de la liberté conduit à la liberté. « Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir ».

L’association est adaptée à la démocratie : « On n’y fait pas le sacrifice de sa volonté et de sa raison mais on applique sa volonté et sa raison à faire réussir une entreprise commune ». Dans les townships américaines, nombreuses fonctions municipales électives, chacun au cours de son existence est appelé à exercer l’une ou l’autre d’entre elles.

L’homme démocratique que l’intérêt bien entendu conduit à s’intéresser à la chose publique, passe du culte de l’argent, du bien-être et des « petits tracas» à des « passions plus énergiques et plus hautes ».

La critique de l’Etat bourgeois

La bourgeoisie a cassé les liens hiérarchiques qui unissent l’homme féodal à ses supérieurs et les a remplacés par « l’eau glaciale du calcul égoïste ». Aux nombreuses libertés, elle « a substitué une liberté unique et sans vergogne : le libre échange ». L’Etat rationnel ne peut représenter la véritable démocratie qui repose sur la capacité d’autonomie et la créativité d’individus ayant intégré leur appartenance à l’espèce humaine.

T. redoute dans la politique étatiste le danger d’un gouvernement qui ne serait plus en liaison avec les volontés individuelles et substituerait sa gestion rationnelle et abstraite à la véritable décision politique.

Société civile et Etat : « Le principal objet d’un bon gouvernement a toujours été de mettre de plus en plus les citoyens en état de se passer de son secours ». Le laisser faire, c’est d’abord laisser les citoyens « s’aider eux-mêmes en s’unissant ». T refuse l’Etat qui assistera, conseillera l’homme jusqu’à vouloir le « rendre heureux malgré lui-même ». (Despotisme administratif,  aujourd’hui Etat bureaucratique). La prise en charge par l’Etat des fonctions industrielles et commerciales dénaturent sa vocation politique et ouvrent la voie aux abus de pouvoir. Le risque de tyrannie est encore plus grand dans la culture.

 

De l’humanité

C’est en tant que doué de liberté que l’homme est fondamentalement semblable aux autres hommes et donc égal. Mais il n’y a pas de véritable liberté sans une certaine égalité matérielle : la Révolution équilibre inouï et éphémère de l’exigence d’égalité et de liberté. A travers l’abolition des privilèges et la reconnaissance des droits de l’homme se jouent les retrouvailles de l’humanité en elle-même. La dimension spirituelle de l’égalité ne devient vraiment apparente que dans le concept couplé d’égalité et de liberté. C’est la dimension métaphysique de la Révolution française qui lui donne sa portée universelle.

            La dignité de l’homme est dans la pensée. Mais elle ne trouve son plein développement que dans la communauté d’êtres doués de langage, capables d’échanges pour décider librement de leur destin. Il existe un lien nécessaire entre la citoyenneté et la qualité d’homme.

 

Démocratie et cosmopolitisme

On s’attache plus aux êtres et aux objets proches qu’aux lointains donc plus à une patrie singulière qu’à l’humanité. Le patriotisme est « non seulement une grande vertu mais la première ». Dans les sociétés traditionnelles règne un patriotisme instinctif. Il s’épanouit dans les sociétés gouvernées par la mémoire, le respect des coutumes et des ancêtres. Ce patriotisme, l’amour de la terre des pères fonctionne comme une religion, se lie à la religion.

Dans les sociétés modernes, la patrie n’est plus incarnée dans le sol natal mais dans les lois dont chacun peut revendiquer la paternité. La démocratie se réfère à l’homme dans son universalité. Le patriotisme réfléchi n’est que superficiellement national, une lecture particulière à chaque Etat historique de ce que sont les droits et les devoirs de l’homme.

Ce processus peut conduire à l’uniformité. Il demande pour devenir créateur des liens du particulier à l’universel, la reconsidération entre public et privé, la décentralisation des expressions de souveraineté, des formes politiques plus larges, empire ou fédération. Le contrat social démocratique est potentiellement cosmopolite.

 

 

 

 

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