Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

10 juin 2010 4 10 /06 /juin /2010 14:31

CERCLE DES CHAMAILLEURS

 

Jeudi 8 avril 2010

 

Exposé à partir du livre « Zéro faute. L'orthographe, une passion française »
de François de Closets (2009)


Présentation par Anne

 

F.de Closets (né en 1933) : études de droit, puis journaliste et écrivain ; a écrit à L'Express, Le Nouvel Observateur, L'évènement du Jeudi...Nombreux livres dont un best-seller « Toujours plus »(1982) sur le néo-corporatisme rongeant la société, « Le divorce français » sur le fossé qui se creuse de plus en plus entre les élites françaises et le peuple, « La dernière liberté », plaidoyer pour la possibilité de décider de la fin de sa vie...et le dernier donc « Zéro faute ».

L'auteur dit avoir écrit ce livre car, durant sa scolarité, il a beaucoup souffert de ne pas être parfait en orthographe. Je n'ai pas eu ce problème mais j'ai eu de nombreux élèves qui en ont souffert et ce n'était pas la sempiternelle dictée réclamée continuellement par leurs parents qui changeait les choses.

Je me suis donc intéressée à ce livre qui, en faisant l'histoire de l'orthographe française, montrait toutes ses difficultés et suggérait prudemment que des réformes seraient sans doute bienvenues dans un monde où l'écrit, avec Internet, devient beaucoup plus important qu'on ne pourrait le croire.

A la fin de l'exposé, je ferai part d'un article de Libé du 18 février 2010 où un cercle de linguistes, écrivains... essaie aussi de réfléchir dans le même esprit : la simplification de l'orthographe actuelle.

 

Dans l'introduction, l'auteur nous dit que l'orthographe a été conçue par des érudits au 15°siècle, une orthographe élitiste à vocation populaire. La langue française est devenue le ciment de l'identité nationale.

Le 19° s. a figé la langue qui aurait dû évoluer vers plus de simplicité. On peut avoir l'espoir que, sans aller aux caricatures des SMS, on pourra se servir de « prothèses correctrices » et que ce ne seront pas seulement des prothèses. Mais voyons ce que signifie cette introduction.

 

F.de Closets part du fait que les Français  sont insensibles à la disparition de certains temps (passé simple, futur), de certaines formes (le style interrogatif parlé remplace de plus en plus le style interrogatif écrit), à l'invasion de la langue anglaise, mais ils vénèrent l'orthographe française. Pour les puristes, la vision de la langue française est focalisée sur l'orthographe. En 1990 la réforme de l'orthographe a bouleversé l’opinion publique. On a pu trouver des gens de lettres intégristes de l'orthographe. Alors que des érudits ou spécialistes étaient tenus pour quantité négligeable. On vénère l'orthographe et on la ressent en même temps comme une véritable dictature (en dehors des problèmes personnels de l'auteur, la dictée a souvent été un facteur d'élimination, dans un examen comme le certificat d'études, par exemple. Parmi les grandes difficultés on peut signaler les mots composés (pluriels et tirets) redoublement ou non  de consonnes (rat, rate ; chat, chatte), les accords du participe passé des verbes pronominaux....Beaucoup de formations de mots manquent de cohérence et l'on ne peut pas se fier à leur étymologie pour leur orthographe (numéro, numéroter ; nu, nudité).Bernard Pivot lui-même a été étonné qu'on puisse se passionner pour des dictées à la télévision (1° dictée en 93 après celles de la radio). Ces dictées montraient bien que très peu de gens arrivaient à un parcours sans faute ; 2 groupes se formaient alors : les passionnés par les bizarreries de la langue et ceux qui les rejetaient (chariot, charrette..). La faute est considérée comme un poids et au 19°siècle, l'administration fait de la dictée le sésame de l'entrée dans la fonction publique.

 

Dans l'histoire de l'orthographe, les scribes ont joué un grand rôle ; comme le français était déficient en consonnes, voyelles et semi-voyelles, par rapport au latin, ils ont ajouté des lettres au lieu d'accents pour la prononciation (desjeuner, meschant). Après le moyen-âge les imprimeurs vont jouer un rôle important pour la ponctuation et l'accentuation. En 1539, l'ordonnance de Villers-Cotterêts ordonne tous les actes juridiques et administratifs en langue française. Mais il faut tout revoir à l'écrit car il y a un partage entre les partisans des scribes et les simplifications emmenées par les imprimeurs. Ronsard s'attaque à l'orthographe en figure de proue des novateurs. Deux dictionnaires existent à la même époque : celui qui respecte l'écriture des scribes et celui des  novateurs.

En 1634 l'Académie française est créée avec pour mission de composer un Dictionnaire, une Grammaire, une Rhétorique et une Poétique. Vaugelas est à la tête du groupe et meurt alors qu'ils en sont à la lettre h. Il a fallu 60 ans pour un piètre résultat, une opposition entre tradition et nouveauté et la nécessité de nouvelles réformes ; dans ce dictionnaire il y a tant d'erreurs que cette édition doit être pilonnée et réimprimée.  Au sein de la Compagnie, les écrivains comme Corneille poussent à la rénovation mais les corps constitués sont favorables à la tradition. De plus les écrivains assistent rarement aux séances du dictionnaire. Les scribes semblent alors l'emporter sur les écrivains avec une écriture savante, voire pédante, contre un écrit populaire. Mais Corneille obtiendra gain de cause pour simplifier certains mots (p.145) L'ancienne orthographe a résisté au Grand Siècle, elle va succomber à celui des Lumières.

 

Dans l'édition du dictionnaire de1740, 36% des mots sont modifiés, le changement est énorme mais bien accepté. Voltaire se soucie peu de discipline orthographique mais se démène beaucoup pour remplacer les formes en oi par ai (P.148). Le s muet est remplacé par un ^. Cet accent circonflexe fait poser d'ailleurs de nombreux problèmes (lire p.150) : l'esthétique ou l'incohérence de cet accent.

En 1782 un concours est lancé par l'académie de Berlin sur la langue française qui, à la fin de l'ancien régime, apparaît aussi difficile que prestigieuse, la langue de la cour et non du peuple.

Ce concours à l'échelle européenne a donné son 1° prix à A. Rivarol (p.159) qui, par sa déclaration, montre toutes les difficultés de cette langue.

 

La révolution n'a que faire de l'orthographe mais finira par s'y intéresser. A cette époque la France a encore un multilinguisme mais veut que le français soit le ciment de la France nouvelle. L'abbé Grégoire se voit confier une mission sur les patois qui aboutit à la pluralité linguistique qui est facteur d'asservissement ; l'unité linguistique est  facteur, elle, de libération ( p.162). On peut lire les

phrases de Hagège et A.Rey sur ce rapport. Tous les Français doivent parler, lire, écrire le français. Condorcet, Lakanal trouvent exaltant l'enseignement du français. La 1ère ébauche d'une instruction publique  date de cette période. La Convention crée les premières écoles primaires d'état. En l'an III les écoles normales pour la formation des maîtres voient le jour.

Sur le plan linguistique la Révolution est peu novatrice. L'Académie française a été supprimée mais, bien que dissoute, fait publier un nouveau dictionnaire : on y trouve des suppressions de consonnes, de y et de h.

Avec Napoléon qui, lui-même, massacrait l'orthographe, le français devient un instrument de pouvoir, sous la coupe d'un nouveau maître, l'Etat. C'est la monarchie de juillet qui met en place le nouvel ordre orthographique qui nous régit encore. En 1832 le gouvernement Guizot décide que tous les fonctionnaires devront savoir écrire le français sans faute .En 1833 l'enseignement est obligatoire et toute commune de plus de 500 h doit avoir son école de garçons et entretenir un instituteur .En 1882 J.Ferry les rend gratuites, laïques et obligatoires. L'orthographe se trouve alors au cœur du nouvel enseignement (p.166) Cette matière devient une discipline civique.  L'orthographe a alors un poids énorme dans la formation des maîtres (p.167 élimination des instits). La dictée du certificat d'études est fatidique.

 

Mais comment enseigner l'orthographe ?  Les manuels alliant orthographe et grammaire  sont très nombreux et sont autant de méthodes orthographiques. L'Académie française ne modifie que très peu pour les nouveaux dictionnaires. Elle réintroduit même des h et y supprimés. Tout au long du 19° siècle tout un peuple apprend à écrire et il est très difficile de critiquer l'orthographe.

En 1851 Mérimée distrait la cour avec sa fameuse dictée (p.171). En même temps un imprimeur, Ambroise Firmin-Didot, propose de nouvelles simplifications et l'Académie fait de petits ajustements (p.172). La querelle de l'orthographe refait surface sous la III république avec la croisade perdue de Ferdinand Buisson. F.Buisson (p.173) va livrer une guerre de 15 ans pour remettre l'orthographe à sa place (voir p.173). Entre  1879 et1896  il est directeur de l'enseignement primaire aux côtés de J.Ferry. Ferry  avait dénoncé l'abus de dictée, Buisson entend y mettre fin. Il essaie de minimiser le temps passé à l'enseignement de la dictée en valorisant la rédaction, la lecture. Il échoue.

Voir p.175 de même que la circulaire d'un des ministres intitulée : Circulaire ayant pour objet d'interdire l'abus des exigences  grammaticales dans les dictées.

En 1891 une pétition demandant la simplification de l'orthographe est  signée par 7000 profs de l'Université et la bataille se déplace à l'Académie française. Une mission est confiée dans ce sens à un proche de Buisson, Octave Gréard. Il propose des allègements (p.177) mais la réaction du duc d'Aumale se déchaîne et l'Académie annule son vote précédent.   Pendant un siècle elle fera obstacle à tout changement. Les réformateurs avec le linguiste Ferdinand Brunot, essaieront de remuer l'opinion et la presse (p.180). Mais les conservateurs s'uniront à nouveau (p.181). La presse va suivre les conservateurs et l'Académie aussi. A la fin du 19°siècle les réformateurs ont pu changer peu de choses. D'autres vont suivre : Aristide Belais, agrégé de grammaire, propose une réforme soutenue discrètement par de Gaulle et travaille entre 1960 et 1965 : 140 pages envisagent de modifier 8840 mots (p.187). De nouveau, bronca contre la  réforme avec  le Figaro, G.Pompidou (p187). Un enseignant, René Thimonnier, propose un simple émondage de petites difficultés, des petites rectifications parfois intégrées par l'Académie française.

 

En 1974 René Haby revient à l'idée de tolérance, mais le corps enseignant ne suit pas ses conseils.

En 1980 les enseignants commencent à trouver que l'orthographe est très lourde (dossier de L'école libératrice, hebdomadaire d'un syndicat des instits). Beaucoup d'instits aimeraient réformer l'orthographe mais ils se heurtent à la presse, aux gens de lettres. Le ministre de l'éducation nationale fait alors savoir que la réforme ne sera pas appliquée. Un questionnaire de la revue Lire montre alors l'état de l'opinion (p.198) par rapport aux linguistes méconnus ou oubliés.

 

Mais ceux-ci vont apparaître avec le projet d'un dictionnaire « trésor de la langue française » : tout le savoir accumulé sur notre langue, son histoire, l'étymologie des mots de 1971 à 1994.

Il peut être consulté sur Internet (p.202). En 1980 paraît une tribune du Monde « Manifeste des 10 » affirmant la nécessité de simplifier l'orthographe (p.204 parmi eux C.Hagège).  La réforme, que soutiendra M. Rocard, veut corriger certains illogismes ; un linguiste, Pierre Encrevé nommé dans le conseil supérieur de la langue française (p.211) propose d'éliminer les traits d'union, le pluriel de certains mots composés, l'accent circonflexe, les accords des verbes pronominaux...C'est un travail très bien préparé où l'on propose des variantes. L'Académie française et de nombreux puristes écoutent. La presse informe d'abord et puis attaque (p.217) ainsi que plusieurs politiques et écrivains (p.218). Les vestes se retournent et en particulier les habits verts. Parmi les fidèles : C. :Hagège, J.Julliard ; B.Pivot recule. La réforme est enterrée pendant une décennie, par contre le Grévisse introduit les changements ainsi que les pays de la francophonie. En France les dictionnaires vont introduire progressivement les modifications et les correcteurs automatiques aussi.

 

Si l'on  examine l'Europe, le problème de l'orthographe est la chose la mieux partagée. En Angleterre, les graphies sont irrégulières et aberrantes (le son et l'orthographe sont très différents). Au 18° s  B.Franklin avait déjà proposé une réforme qui avait échoué (voir p.240). Au 20ème siècle, quelques efforts mais les Anglais placent plus d'importance dans la prononciation que dans la graphie. Les Américains sont plus tolérants pour les changements.

En Allemagne, c'est une véritable guerre .Le dictionnaire Duden  a tenté une sorte d'unification de 1871 à 1901. Dans les années 50 un comité regroupant les ministres de la culture des Länder, lance une réforme provoquant la colère (T.Mann, Hesse...). De nombreuses erreurs se trouvent dans les dictionnaires, l'opinion est défavorable ; entre 98 et 99  luttes entre les Sages et le Parlement. Très grandes difficultés pour l'application, exemple du  ß.

L'Italie et l'Espagne ont une langue très proche du latin et peu de problèmes.

 

Revenons dans la France actuelle : la baisse de l'orthographe est constatée (expérience de dictée commune à l'entrée en seconde), elle est accompagnée d'une peur de la baisse du niveau (p.260). En 1987 une amélioration avait été constatée. Les Français sont touchés, même les élèves de grandes écoles, les gens dans les entreprises. Une montée de la dysorthographie est constatée par les profs de français qui ferment les yeux. La dictée devient un exercice passif et inutile et il est difficile de faire apprendre par cœur des listes de mots. On en arrive à un enseignement à 2 vitesses.

Au 21èmesiècle internet, les SMS reposent sur l'écrit. Les SMS  font une caricature de l'écrit mais sur internet il s’agit d'une véritable langue. Des correcteurs d'orthographe existent sur les ordinateurs mais ils sont loin d'être parfaits, surtout si on les compare aux calculatrices en math.

Il faudrait une connexion entre l'ordinateur et l'enseignement de l'orthographe, connexion qui n'a pas encore été réalisée.

 

L'article de Libé du 18.2.2010 montre les efforts d'une association, l'EROFA qui travaille sur les simplifications qui pourraient être apportées à l'orthographe. De toutes petites mesures sont envisagées comme le problème des doubles consonnes (antenne, arène, aquarelle), les pluriels  en s ou x avec encore des exceptions. Les rectifications de l'Académie peinent à s'imposer et ils essaient alors de réfléchir à ce qui peut être modifié. Cette association est née à partir de gens réunis au siège de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (EROFA : étude pour la rationalité de la langue française erofa.free.fr.).

 

 

Résumé de la discussion (Marie-Anne) :

 

Tous les membres du groupe semblent d’accord avec François de Closets concernant les incohérences de la langue française et en particulier de l’orthographe et la nécessité de réformes dans ce domaine.

Les tentatives de réforme sont anciennes et quelques-unes ont déjà abouti à des simplifications mais, dans l’ensemble, elles restent timides et les opposants à toute réforme supplémentaire sont encore nombreux.

Un membre du groupe estime que ce sont les difficultés de la langue française qui expliquent le succès de l’anglais et son usage largement prépondérant comme la langue internationale par excellence car elle est plus simple à pratiquer au moins dans sa forme basique (« basic english »). D’autres membres du groupe contestent cette explication et pensent que la domination de l’anglais est dûe d’abord à l’impérialisme du Royaume-Uni et aujourd’hui des États-Unis comme à d’autres époques et partiellement aujourd’hui de la France.

Plusieurs se déclarent gênés à la lecture d’un texte en français quand celui-ci contient beaucoup de fautes, ce qui aboutit à une dévalorisation du contenu. C’est d’ailleurs l’opinion de nombreux correcteurs des copies de candidats à des examens ou à des concours qui recalent ceux qui font trop de fautes.

Au sujet des fautes, il faut distinguer celles qui concernent l’orthographe des mots (avec toutes les incohérences et exceptions qui ont été mentionnées par Anne) et celles qui concernent la grammaire qui, en principe, est soumise à des règles ; celles-ci ne sont cependant pas faciles à apprendre, tout au moins certaines d’entre elles. Les fautes de grammaire peuvent être considérées comme plus « graves » que les fautes d’orthographe des mots.

La question de l’enseignement a été soulevée : peut-on enseigner l’orthographe ?

-         beaucoup d’enseignants estiment que non et condamnent par ailleurs l’usage abusif de la dictée qu’ils remplacent par les rédactions de façon à éviter que la forme prenne le dessus sur le fond. Les difficultés de l’orthographe du français seraient d’ailleurs un frein à la création littéraire.

-         le fait de lire beaucoup ne semble pas améliorer les capacités orthographiques et grammaticales des lecteurs. Certaines personnes sont plus capables que d’autres de « photographier » mentalement les mots et les conjugaisons.

-         certains qui faisaient beaucoup de fautes depuis leur enfance et pendant leur scolarité peuvent cesser d’en faire à un moment de leur vie suite à un évènement (cas d’un ami rapporté par des membres du groupe).

L’usage de l’ordinateur conduit la plupart des utilisateurs à écrire davantage en raison de l’envoi de courriels à la place des appels et conversations téléphoniques. Le cas des SMS est différent car le vocabulaire utilisé, plus ou moins codifié et à dominance phonétique, ne semble pas en mesure d’améliorer l’orthographe des utilisateurs, bien au contraire !

Malgré le sous-titre du livre de F.de Closets « L’orthographe, une passion française », la passion concernant l’orthographe ne semble cependant pas spécifique du français et se rencontre dans d’autres pays, comme par exemple en Allemagne.

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Articles RÉCents

Liens